Près de 9500 patientes atteintes du cancer du sein attendent un appel qui leur confirmera que leur traitement a été fait correctement. Pour 2730 d'entre elles, il faudra revivre les affres de l'incertitude: leurs tests de pathologie devront être repris. Une démarche qui pourrait s'étirer au moins jusqu'au mois de décembre.

Après avoir annoncé au début du mois de juin que 2100 tests de pathologie du cancer du sein devront être repris au Québec, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, en révisera finalement beaucoup plus. Près de 3000 tests faits entre avril 2008 et juin 2009 devront être revus, a-t-il annoncé hier.

 

Cette augmentation du nombre de cas est due au fait que de grands hôpitaux montréalais, soit le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et l'hôpital du Sacré-Coeur, ne possédaient pas de contrôle de qualité externe suffisant, contrairement à ce qu'on croyait. Ces établissements devront refaire leurs tests, ce qui porte le nombre de cas à 2730.

«Le CHUM était engagé dans une démarche de contrôle de qualité externe. Mais il n'avait pas de bulletin prouvant ses résultats. Par précaution, on va refaire ces tests», a expliqué le ministre Bolduc. Selon lui, l'objectif de la démarche est de «rassurer les patientes» et d'agir avec «prudence et transparence».

Pour le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, le fait que des hôpitaux importants n'aient eu jusqu'à récemment aucun contrôle de qualité externe est «troublant». «En matière de tests de laboratoire, ces établissements auraient dû être exemplaires. Ça m'inquiète de voir que ce n'était pas le cas», a dit M. Brunet.

La coalition Priorité cancer au Québec se réjouit quant à elle de la reprise des tests, car «cela permettra de rassurer les femmes qui ont vécu ou doivent vivre avec un diagnostic de cancer du sein», selon la porte-parole, Nathalie Rodrigue.

Seules les patientes parmi les 9463 qui ont reçu un diagnostic de cancer du sein entre avril 2008 et juin 2009 et dont les tests n'ont pas fait l'objet d'un contrôle externe sont visées par le rappel. Leur diagnostic de cancer n'est pas remis en question. C'est plutôt l'analyse permettant de déterminer le type de traitement à recevoir qui doit être refaite. Personne n'aura à subir une nouvelle biopsie puisque les laboratoires ont conservé les prélèvements initiaux.

Montréal: 1033 tests repris

À Montréal seulement, 1033 tests de cancer du sein devront être repris. La deuxième région la plus touchée est la Montérégie avec 445 tests à reprendre, suivie de l'Outaouais, qui doit en refaire 202. Selon le gouvernement, environ 5% des patientes visées par la révision pourraient voir leur traitement modifié.

Le ministre Bolduc reconnaît toutefois que le nombre exact de tests à refaire pourrait encore changer. «Mais on parle de quelques unités, pas plus», a-t-il dit. Ces changements sont attribuables au fait que certains échantillons comptabilisés dans deux hôpitaux différents pourraient en fait appartenir à la même femme.

Coûts indéterminés

En raison du grand nombre de tests à réaliser sur une courte période, les 2730 contre-analyses seront réalisées dans des laboratoires à l'extérieur du Québec. Les coûts de l'opération restent indéterminés. «L'appel d'offres n'est pas encore terminé. Nous ne savons pas le coût, mais ça ne cause pas de problème. Ce qui a à être fait va être fait», a déclaré le ministre Bolduc.

Les femmes visées par le rappel seront rappelées d'ici la fin du mois d'août. «Si un résultat discordant est détecté, les patientes en seront avisées rapidement et leur médecin traitant pourra alors discuter avec elles de la nécessité ou non de réviser le plan de traitement», a promis le ministre Bolduc. Le gouvernement se donne jusqu'en décembre pour terminer l'ensemble du processus de révision.

Mais pour le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette, une telle prévision est irréaliste. «Le ministre dit que l'appel d'offres n'est même pas fini et il espère avoir tout terminé pour décembre. C'est impossible», a-t-il dit.

Le Dr Barrette déplore aussi que le gouvernement ne remonte pas avant avril 2008 pour la révision des tests de pathologie. Car selon lui, plusieurs femmes ont pu recevoir un mauvais diagnostic avant cette période.

Quand il avait annoncé que les rappels de tests ne remonteraient qu'à avril 2008, le gouvernement avait expliqué que seules ces patientes pourront bénéficier d'un nouveau traitement si jamais elles ont été victimes d'un «faux négatif». Le gouvernement avait reconnu être exposé à des poursuites. Depuis, une demande de recours collectif a été déposée en Cour supérieure.