«Le ministre avait une belle opportunité et il passe encore à côté.»

Le fromager Louis Arsenault déplore ainsi que le ministre québécois de l'Agriculture, Laurent Lessard, refuse catégoriquement de compenser financièrement des fromagers qui ont été lésés lors de la crise de la listériose, l'automne dernier. Et ce, malgré la recommandation de la protectrice du citoyen.

Il fallait s'y attendre: le rapport de la protectrice du citoyen a été accueilli plutôt tièdement par les petits fromagers du Québec. Ils ont été durement frappés par cette crise de la listériose et certains en portent encore les cicatrices plusieurs mois après la destruction de leurs fromages. Ils ont abandonné le lait cru, perdu de précieuses ventes et gardent un très mauvais souvenir de la gestion de cette crise.

 

«Nous n'avons pas condamné l'intervention: nous avons condamné la façon de la faire», indiquait hier Normand Côté, de la fromagerie Médard, l'une des petites fromageries qui a été le plus sévèrement touchées par l'ouragan listériose. Comme plusieurs de ses collègues qui réagissaient au rapport, M. Côté n'était pas enthousiaste à l'autre bout du fil. D'autant qu'il apprenait dans ce rapport ce qu'on ne lui avait jamais dit directement: le taux de listeria découvert dans son fromage Petit Vieux y est indiqué, noir sur blanc. L'information est d'autant plus surprenante que, d'après les chiffres dévoilés, son fromage était conforme, selon les normes québécoises. Ses Petits Vieux ont pourtant tous été détruits lors d'une mémorable et dramatique saisie à Saint-Gédéon, au Lac-Saint-Jean. Coût de l'opération: 300 000$ pour la fromagerie. Pertes totales pour l'entreprise, attribuables à la crise: 500 000$.

L'Association des fromagers artisans du Québec, un jeune regroupement créé après l'automne 2008, demande depuis des mois des compensations financières pour les frais engendrés par la crise.

Au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ), c'est une fin de non-recevoir. Pas un sou versé en compensation directe, au nom de la responsabilisation des entreprises, maintient le ministre Lessard.

«Ça devient carrément ridicule», se désespère Louis Arsenault, président du regroupement des artisans.

La protectrice ne recommande pas de compensations financières directes pour les fromageries en général, mais pour deux entreprises qui ont été traitées injustement, dit-elle. La Fromagerie de l'Île-aux-Grues et la fromagerie Blackburn ont été toutes les deux montrées du doigt, à tort. Leurs fromages ont fait l'objet d'un rappel public alors qu'ils avaient été contaminés au point de vente. Inutile, donc, de demander aux autres détaillants et aux consommateurs de les retourner.

«Ça nous confirme ce que l'on savait déjà», indique Christian Vinet, de la fromagerie de l'Île-aux-Grues qui fait notamment le Riopelle de l'Isle. La fromagerie détient un permis fédéral. Elle faisait donc déjà des tests sur ses lots et elle avait en main tous les résultats au moment de la crise. Aucun ne révélait la présence de la bactérie. «Rien ne nous disait qu'il pouvait y avoir une possible contamination», insiste Christian Vinet qui estime que la crise a coûté 100 000$ à la Fromagerie de l'Île-aux-Grues et que ce n'est pas à lui de payer pour les gaffes du MAPAQ. «Je suis bien prêt à être responsable de mes produits quand ils sont ici, mais je ne veux pas prendre la responsabilité des inspecteurs s'il y a eu des lacunes. J'ai des employés, j'en suis responsable. Le ministre a des employés, il en est responsable.» Christian Vinet compte laisser retomber la poussière et espère ensuite pouvoir en discuter avec le ministre, sa recommandation entre les mains.

Nos pages Forum: Autopsie d'un fromage, l'éditorial d'Ariane Krol en page A18