Au moment où les hôpitaux du pays commencent déjà à manquer d'isotopes médicaux en raison de l'arrêt de production du réacteur nucléaire de Chalk River, en Ontario, le gouvernement conservateur annonce sa volonté de privatiser une partie de cette industrie, tout en créant un groupe d'experts pour chercher des solutions à la pénurie actuelle.

La ministre des Ressources naturelles, Lisa Raitt, a annoncé en conférence de presse cette «restructuration» d'Énergie atomique du Canada, alors que l'opposition, à Ottawa, reproche depuis plusieurs jours au gouvernement son inaction dans le dossier de Chalk River.Le réacteur ontarien produit en temps normal près de la moitié des isotopes médicaux utilisés dans le monde. À la mi-mai, une panne d'électricité a forcé l'arrêt de la production pour une durée d'un mois, pour la deuxième fois en moins de deux ans. Depuis, des fuites se sont révélées et Énergie atomique du Canada a annoncé, cette semaine, que le réacteur resterait fermé au moins trois mois, entraînant d'importantes conséquences pour le milieu médical, qui utilise les isotopes notamment dans les diagnostics de cancer.

La ministre Raitt s'est dite inquiète de la situation et a assuré que son gouvernement faisait tout en son pouvoir pour tenter d'assurer l'approvisionnement en isotopes pendant cette période de crise. Le groupe d'experts permettra selon elle de trouver des solutions à plus long terme.

Se basant sur un rapport rendu public hier, la ministre Raitt a estimé par ailleurs que la restructuration d'Énergie atomique, en collaboration avec le secteur privé, permettra à l'industrie nucléaire d'atteindre son plein potentiel et de maximiser ses rendements. Ottawa conserverait la propriété des laboratoires de Chalk River, mais sa gestion pourrait être confiée au privé.

Selon David McGuinty, critique libéral en matière d'environnement et d'énergie, tout le dossier du nucléaire et en particulier la question du réacteur ontarien est un cas de «mauvaise gestion colossale» de la part du gouvernement.

«La crise (des isotopes) s'en vient très rapidement. Ils le savaient et ils n'ont rien fait. Ils essaient de gagner du temps avec cette annonce, au péril des patients», a lancé M. McGuinty après la conférence de presse de la ministre.

«Ça dure maintenant depuis plus de trois ans. Le prix à payer sera la dégradation de notre réputation internationale de producteur», a-t-il ajouté, rappelant que 5000 examens médicaux par jour au Canada dépendent des isotopes médicaux.

Pour Nathan Cullen, député du NPD et porte-parole des questions de ressources naturelles, le gouvernement «est en mode panique». «Au coeur d'une crise médicale qu'ils ont eux-mêmes créée, avec un déficit de 50 milliards qui leur est attribuable et plongés dans une récession qu'ils ont ignorée jusqu'à ce qu'il soit trop tard, ces génies de la finance au gouvernement pensent que c'est le bon moment de faire une vente de feu des actifs publics», s'est insurgé, M. Cullen, sarcastique.

Le Bloc québécois a lui aussi soulevé la contradiction des deux annonces de la ministre à la période de questions. «La pénurie d'isotopes médicaux a pris des proportions inquiétantes, a souligné le député bloquiste Luc Malo. On aimerait que la ministre nous dise en quoi la privatisation qu'elle propose va mettre fin à la pénurie d'isotopes médicaux.»

«Confier la gestion de Chalk River au privé, n'est-ce pas là la preuve que le gouvernement admet son incompétence à résoudre la crise des isotopes?» a pour sa part conclu la députée du Bloc dans Trois-Rivières, Paule Brunelle.