Une victime toutes les 15 minutes. Et ça, ce ne sont que les catholiques. Si on ajoute les protestants, au plus fort de l'épidémie, la grippe espagnole fauchait environ une victime montréalaise toutes les neuf minutes!

Ainsi écrivait La Presse, le 12 novembre 1918. En six mois, la grippe espagnole a emporté 50 000 Canadiens, dont 14 000 Québécois et plus de 3500 Montréalais. Dans la seule journée du 21 octobre 1918, 201 Montréalais sont morts de la grippe.

 

La professeure Magda Fahrni, de l'Université du Québec à Montréal, s'est penchée sur l'épisode montréalais de la grippe espagnole. Ses travaux, publiés en 2004 dans la Revue d'histoire de l'Amérique française, mettent particulièrement en lumière le rôle des femmes pendant l'épidémie.

En octobre 1918, après les premiers décès confirmés de la grippe espagnole, les autorités municipales et médicales ont ordonné la fermeture des écoles, universités, cinémas, théâtres, salles de danse et salles de quilles, pendant un mois. Même les églises ont annulé la plupart des offices religieux, y compris ceux de la Toussaint et de la fête des Morts, début novembre.

Les tramways étaient considérés comme «le pire foyer de l'épidémie». Pour limiter la circulation des citoyens, la Ville a réduit les heures d'ouverture des grands magasins, au grand dam des marchands du centre-ville et de l'avenue du Mont-Royal. Les publicités de l'époque reflètent les préoccupations du moment, depuis les conditions d'hygiène «inégalées» chez Dupuis Frères, jusqu'à la «grande vente spéciale d'articles de deuil» chez Au Bon Marché.

 

Les femmes, qu'elles soient religieuses, infirmières ou bénévoles, ont été en première ligne pour soigner les malades alités. Ces derniers ne pouvaient compter sur leurs voisins pour leur venir en aide, écrit Mme Fahrni. «Les sceaux rouges apposés par les médecins de la ville sur la porte des maisons affligées par la grippe ont sans doute exacerbé le désir des voisins de garder une certaine distance.»

En laissant entrer chez eux ces femmes venues les soigner, les Montréalais ont affiché leur dénuement. Des familles «sans draps, sans oreillers, sans couvertures, sans serviettes, sans pain, sans charbon et sans argent», racontent des témoins dans La Patrie. «Chaque logement, à très peu d'exceptions près, est un taudis», ont déclaré des infirmières au Devoir. «L'épidémie aura porté à la connaissance du public des états de choses contre lesquels il faudra sévir et le bureau d'hygiène se promet de ne pas négliger les mesures à prendre pour diminuer la malpropreté et le dénûement (sic) dans lesquels vivent - volontairement souvent! - certaines familles pauvres», écrivait La Patrie.