Alors que les problèmes vécus au CHUM ont fait les manchettes ces dernières années, son double anglophone, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), progresse dans l'ombre. Tout semble bien aller. Mais quand on y regarde de plus près, le projet n'est pas si rose que ça.

L'appel de propositions du campus Glen du futur CUSM, construit en partenariat public-privé (PPP), a été lancé en octobre 2008. Alors que le CHUM a longtemps été retardé, son pendant anglophone semble avoir toujours été sur une lancée. Mais est-ce vraiment le cas? Difficile de le savoir. Car personne au CUSM n'a accepté d'accorder une entrevue à La Presse.

Même le directeur exécutif, Clermont Gignac, qui a été nommé pour coordonner les projets de CHU à Montréal, n'a pas voulu répondre à nos questions.

Pourquoi une telle culture du secret? Une source bien au fait du projet explique que les dirigeants du CUSM «ne veulent pas être associés au CHUM». Plusieurs médecins refusent même de parler aux médias. «On préfère laver notre linge sale en famille», dit l'un d'eux.

Revenons sur le projet. C'est en 1992 que le CUSM a été créé par la fusion de l'hôpital Royal- Victoria, de l'Hôpital général de Montréal, de l'Institut thoracique de Montréal, de l'Institut neurologique de Montréal et de l'hôpital de Montréal pour enfants.

Dès le départ, l'Université McGill rêve de regrouper ses institutions en un seul grand hôpital. Le terrain de la gare de triage Glen est aussitôt considéré. Cet immense terrain de 17 hectares est situé à l'ombre de l'échangeur Turcot.

«Si le CUSM va si bien, c'est que le projet n'a pas beaucoup changé depuis le début, contrairement au CHUM», commente le président de l'Agence des PPP du Québec, Pierre Lefebvre.

Mais l'histoire ne donne pas raison à M. Lefebvre. Car à l'exception de l'emplacement, le projet du CUSM a bien changé au fil des ans. Prévu pour être construit sur un seul site, le CUSM a finalement divisé ses activités entre la gare Glen et l'Hôpital général de Montréal, renommé le campus de la montagne (voir tableau ci-contre).

«On ne voulait pas deux sites. C'est le gouvernement qui nous a imposé cela «, dit un médecin du CUSM.

Le nouvel hôpital aura 832 lits : 500 au campus Glen (dont 146 seront réservés aux enfants) et 332 au campus de la montagne. En tout, le projet coûtera 2,225 milliards, dont 479 millions iront à la rénovation du campus de la montagne.

 

Un hôpital écartelé

La décision de construire le CUSM en deux sites soulève encore la controverse. «Dès 1992, les anglophones ont compris qu'ils avaient avantage à se regrouper en un seul endroit. Mais finalement, l'hôpital sera sur plusieurs sites. (...) Malgré toutes les difficultés du CHUM, j'irais me faire soigner là avant parce que tout sera regroupé sur un site», dit une source bien au fait des dossiers. Une étude publiée en septembre 2004 avait dénoncé le fait que six kilomètres séparent la gare Glen et le campus de la montagne et que ce tronçon de route est très achalandé. Puisque les services seront séparés, des patients devront être fréquemment transférés d'un site à l'autre.

La présidente des Amis de la montagne, Sylvie Guilbault, démontre l'absurdité de cette séparation. « Si jamais une famille a un accident d'auto, les enfants devront être amenés au campus Glen et les adultes au campus de la montagne. Ça n'a aucun sens», dit-elle. Un médecin du CUSM ajoute que quand les travaux de rénovation démarreront au campus de la montagne, les conditions de travail se dégraderont. «Ça va être un cauchemar. La qualité des soins va diminuer «, dit-il. Mme Guilbault, ne comprend pas pourquoi on a décidé d'agrandir l'Hôpital général de Montréal. «Ça va contre toute logique. On sait que rénover coûte beaucoup plus cher que bâtir à neuf.

La preuve : le CHUM a décidé de reconstruire l'hôpital Saint-Luc plutôt que de le rénover, dit-elle. Les coûts de la rénovation ne vont pas cesser d'augmenter. Le projet coûtera bien plus cher que prévu. On aurait dû tout mettre au campus Glen.»

Rapport du vérificateur

Dans son rapport publié hier, le vérificateur général du Québec prévoit lui aussi que «des changements aux estimations de coûts sont encore à prévoir» au CUSM, car le projet du campus de la montagne est encore en changement. L'hôpital ne sait toujours pas si l'Institut neurologique de Montréal se joindra ou non au nouveau campus. Le psychiatre James Farquhar, de la Coalition des médecins pour la justice sociale, dénonce lui aussi le projet du CUSM, mais pas pour les mêmes raisons. Il ne croit pas que le campus Glen ait sa raison d'être. «Ça coûtera très cher. On aurait dû se contenter de regrouper toutes les activités au Général», croit-il.

En attendant, le PPP de la gare Glen suit son cours. «Les consortiums remettront leurs soumissions techniques en août. En décembre, le consortium gagnant sera choisi et la construction débutera à l'hiver 2010. On peut espérer que le projet sera fini en 2013-2014», affirme M. Lefebvre. Les travaux sur le campus de la montagne, réalisés en mode conventionnel, doivent aussi commencer en 2010.

Des services divisés

Services au campus de la montagne

Médecine et chirurgie générale

Urgence

Centre de trauma

Orthopédie

Chirurgie buccale et maxillo-faciale

Santé mentale

Chirurgie plastique

Ophtalmologie

Gériatrie

Soins intensifs

Neurosciences/neurochirurgie (à déterminer)

Services au campus Glen

Médecine et chirurgie générale

Urgences

Centre du cancer

Soins palliatifs

Pédiatrie

Santé des femmes

Cardiologie

Transplantation

Urologie

Médecine respiratoire

Chirurgie thoracique

Chirurgie plastique

Otorhinolaryngologie

Soins intensifs