Avec ses grandes fenêtres immaculées, ses murs de bois franc et ses planchers de céramique, l'hôpital de Brampton, en Ontario, pourrait faire la fierté des citoyens. Mais c'est loin d'être le cas. Incapables d'y recevoir des soins adéquats, plusieurs estiment que cet hôpital, construit en partenariat public-privé (PPP), est un échec cuisant.

Longs délais de construction. Coûts qui explosent. Projet modifié sans cesse. Information tenue secrète... L'histoire de la construction de l'hôpital de Brampton, en banlieue de Toronto, ressemble étrangement à celle du CHUM.

 

L'idée de construire un nouvel hôpital à Brampton est née en 2001. À l'époque, le ministre de la Santé de l'Ontario, le conservateur Tony Clement, opte pour la construction en mode PPP. Le concept commence tout juste à voir le jour au pays. L'hôpital de Brampton doit servir de projet-pilote.

La communauté de Brampton présente l'un des plus hauts taux de natalité en Ontario. La demande pour des soins de santé y est énorme.

Dès le départ, on prévoit construire 720 lits pour répondre aux besoins de la population. Le nouvel hôpital doit contenir 608 lits et le vieil hôpital de Brampton, le Peel Memorial, doit être rénové et transformé en hôpital de quartier de 112 lits.

Mais rapidement, l'envergure du projet diminue. «Dès qu'on a dit que le projet se faisait en PPP, on a su que l'ancien hôpital ne serait pas rénové. Pourtant, la communauté avait besoin de ces lits», dit la porte-parole de la Coalition ontarienne pour la santé, Dora Jeffries.

Aujourd'hui, l'ancien hôpital de Brampton, situé à cinq kilomètres du nouveau, est abandonné. Lors du passage de La Presse, des mauvaises herbes envahissaient le stationnement.

Au fil de la politique

Les changements aux plans de l'hôpital de Brampton se sont succédé au fil des ans.

En 2003, les libéraux de Dalton McGuinty ont pris le pouvoir. Ils ont décidé d'éliminer les PPP pour adopter la «Diversification des modes de financement et d'approvisionnement (DMFA)».

«C'est un changement qui ne veut rien dire. C'est la même chose», dit le président de l'Agence des PPP du Québec, Pierre Lefebvre. Ce dernier déplore que le projet de Brampton ait été pris en otage par M. McGuinty. «Il a fait stagner les PPP pendant plusieurs mois. Il a fait des changements au projet juste pour en faire», dit M. Lefebvre.

Au fur et à mesure que le projet de l'hôpital de Brampton avançait, les coûts augmentaient. En octobre 2006, le gouvernement a donné 18,9 millions supplémentaires. Au cours de l'année suivante, 148 nouveaux millions ont dû être ajoutés pour finir la construction.

«Tout ça a peu à voir avec le fait que ce soit un PPP. C'est que le projet a été changé en cours de route», assure M. Lefebvre.

Dora Jeffries croit quant à elle qu'il est impossible de savoir pourquoi les coûts ont tellement augmenté. «On a demandé plusieurs fois des explications. Mais sous prétexte que c'est un projet privé, on ne dit rien», dit-elle.

À son ouverture en octobre 2007, l'hôpital de Brampton ne comptait que 479 lits. «On ne pouvait pas en ouvrir plus parce qu'on n'avait pas assez de personnel», dit le porte-parole de l'établissement, Todd Leach.

«Avec la controverse financière entourant le projet, la main-d'oeuvre a quitté le navire», confirme Mme Jeffries.

Un rapport accablant

En décembre dernier, le vérificateur général de l'Ontario a publié un rapport sur le PPP de l'hôpital de Brampton. Selon lui, près de 300 millions auraient été épargnés si le projet avait été réalisé en mode public.

Le vérificateur déplore que le mode PPP ait été injustement favorisé. Le mode conventionnel aurait été plus efficace. Le vérificateur cite en exemple l'hôpital de Peterborough. L'établissement de 400 lits a été livré à temps tout en respectant son budget de 286 millions.

La controverse de l'hôpital de Brampton ne s'arrête pas là. En février dernier, le gouvernement a dû allonger 14,3 millions supplémentaires pour aider l'établissement à gérer l'augmentation du volume de ses patients.

«Le PPP de Brampton a lamentablement échoué. Aujourd'hui, au moins 12 hôpitaux en PPP se construisent dans la province. C'est un scandale. On ne devrait pas répéter une telle erreur», dit Dora Jeffries.

Devant la grogne populaire, le gouvernement ontarien a récemment accepté de rénover l'ancien hôpital de Brampton. Aucune annonce officielle n'a encore été faite. «Je le croirai quand ça commencera. Pas avant, dit Mme Jeffries. L'hôpital est abandonné depuis des mois. Le remettre à niveau coûtera beaucoup trop cher.»