Si un fil conducteur permet de suivre les hauts et les bas du long feuilleton du CHUM, c'est la politique. Le dossier a progressé quand les décideurs politiques y ont cru, ont confié plusieurs sources à La Presse.

Le premier signal a été envoyé par l'ancien ministre péquiste Jean Rochon, en 1995. Il a présenté un projet de loi visant à fusionner les hôpitaux Saint-Luc, Notre-Dame et Hôtel-Dieu. Le CHUM était né.

 

La fusion sera toutefois difficile. Il faudra 18 mois de travail. Chaque hôpital possède une culture qui lui est propre et, malgré les efforts, le CHUM reste physiquement écartelé entre trois emplacements.

La difficulté d'assimiler cette fusion forcée est perceptible encore aujourd'hui chez certains. Elle explique une partie du décalage entre le CHUM et le Centre universitaire de santé McGill, croit le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette.

Les projets de fusion étaient dans l'air dès les années 80 au CUSM, rappelle-t-il. «Il y a un décalage. McGill a fusionné plus tôt, et le temps d'assimilation a été plus court. L'Université de Montréal a eu une très, très longue phase où elle a rué dans les brancards, et ensuite la fusion a été digérée.»

Dans l'espoir de faciliter les travaux, l'ancien premier ministre Lucien Bouchard, accompagné de Pauline Marois, alors ministre de la Santé, annonce en janvier 2000 qu'un nouveau CHUM verrait le jour à un seul emplacement: au 6000, rue Saint-Denis. «C'était l'occasion de mettre un terme aux dissensions entre les hôpitaux», se souvient le Dr Guy Breton, vice-recteur de l'Université de Montréal.

L'emplacement n'est pas parfait. Il faudra procéder à des expropriations. Les terrains sont contaminés par les usines avoisinantes. Il y a une voie ferrée à proximité.

«Tout le monde avait des réserves mais, en même temps, tout le monde était d'accord. Il y avait un parfait consensus pour ce site», se rappelle un consultant qui a travaillé au dossier.

Des comités formés de médecins, de patients et d'employés travaillent à la conception d'un plan directeur. Mais le projet traîne en longueur et l'enthousiasme fond à vue d'oeil.

«La majorité silencieuse des médecins est cynique à cause de tous ces déboires. Elle n'y croit plus», commente le Dr Guy Breton, au sujet du peu d'intérêt que suscite le CHUM aujourd'hui.

Au fil des ans, le projet perd des appuis politiques. Plusieurs sources avancent que Bernard Landry, successeur de Lucien Bouchard, n'est pas très enthousiaste face au site du 6000, rue Saint-Denis. Même chose pour Rémy Trudel, François Legault et David Levine, qui ont piloté le ministère de la Santé. Le projet piétine.

Les élections générales de 2003, qui portent les libéraux au pouvoir, freinent aussi le projet. Quelques semaines après sa nomination, le nouveau ministre de la Santé, Philippe Couillard, annonce son intention de revoir complètement les projets de modernisation du CHUM et du CUSM.

«Le ministre a voulu voir ailleurs s'il n'y avait pas un autre endroit où l'on pouvait construire le CHUM», indique une source bien au fait du dossier. Mais surtout, les libéraux ne veulent pas d'un site retenu par l'ancien gouvernement, dans une circonscription péquiste de surcroît.

Chicanes et dissensions

C'est à cette époque que les consultations commencent. À la suite de la commission Mulroney-Johnson, le gouvernement Charest fait table rase et décide de construire le CHUM au 1000, rue Saint-Denis, où se trouve l'actuel hôpital Saint-Luc.

Puis, le recteur de l'Université de Montréal, Robert Lacroix, propose de construire le CHUM à la gare de triage Outremont.

Rapidement, le projet divise. D'un côté, l'élite francophone et le milieu des affaires, en faveur d'Outremont, et de l'autre, des groupes communautaires et une large part de la population, en faveur de Saint-Luc.

Suivront des semaines de controverse sur la place publique et au Conseil des ministres. Le premier ministre Jean Charest démontre son intérêt pour le site d'Outremont tandis que son ministre de la Santé semble préférer le site de Saint-Luc.

C'est lui qui aura gain de cause. «À un certain moment, Philippe Couillard a fait son lit. Il voulait un hôpital pour les citoyens, dans leur milieu de vie, au centre-ville», explique une source proche du dossier.

Le débat sur le site est clos. Mais un autre a pris sa place: celui sur la construction en partenariat public-privé. Il est loin d'être terminé.