Le problème des listes d'attente en chirurgie est récurrent au Québec. En 2008, au terme d'une tournée de 21 blocs opératoires, un comité dirigé par les médecins spécialistes et le ministère de la Santé a conclu qu'il était possible d'augmenter la cadence d'au moins 5% grâce à de petits changements. Un an plus tard, voici les résultats.

Une meilleure organisation, l'achat de petits instruments, l'ajout de personnel et la gestion des conflits internes semblent porter leurs fruits dans les blocs opératoires. Le nombre d'interventions chirurgicales a augmenté de 10,2%, soit le double de l'objectif fixé.

 

C'est le constat préliminaire qui se dégage d'une tournée de suivi réalisée aux mois de janvier et février dans neuf des 21 blocs opératoires visités l'an dernier.

Du mois de février au mois de décembre 2008, un comité multidisciplinaire mené par la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) et le ministère de la Santé et des Services sociaux avait visité des salles d'opération pour voir comment on pourrait augmenter le nombre d'interventions réalisées.

«La question était simple. On demandait aux gens s'ils étaient capables de faire un cas de plus par salle, par jour», explique le président de la FMSQ, le Dr Gaétan Barrette, en entrevue à La Presse.

Au terme de la tournée des hôpitaux, le Dr Barrette avait conclu qu'il était possible de réaliser 50 000 interventions de plus au Québec chaque année en apportant de petits changements dans les salles d'opération.

Le suivi qui vient d'être fait dans neuf hôpitaux tend à lui donner raison. Au cours des mois d'octobre, novembre et décembre 2008, on a opéré 3957 patients de plus que durant la même période de 2007, une augmentation de 10,2%.

«Ce n'est pas rien, car si on réussit à étendre ça à la grandeur de la province, on va largement dépasser les 50 000 opérations de plus que nous avions annoncées», explique le Dr Barrette.

La tournée a eu un tel succès que le comité doit reprendre la route dès le mois d'avril pour visiter de nouveaux blocs opératoires.

Les mêmes problèmes partout

Les problèmes constatés lors de la tournée sont les mêmes partout, mais à des degrés différents. Tous finissent par provoquer l'annulation de plusieurs interventions. Dans plusieurs des hôpitaux visités en 2008, on comptait d'ailleurs un taux d'annulation de 7 à 10% annuellement.

Parmi ces problèmes, on voit: des médecins qui se présentent toujours en retard le matin; des conflits internes qui minent le climat de travail; un taux d'absentéisme élevé chez les infirmières; des infirmières auxiliaires empêchées d'apporter du renfort par des obstacles corporatifs; des patients qui arrivent au bloc opératoire mal préparés et qui sont renvoyés à la maison.

Dans plusieurs hôpitaux, les petits instruments chirurgicaux ne sont pas en nombre suffisant. Il suffit d'un erreur humaine, par exemple un plateau d'instruments stérilisés qui tombe sur le plancher, pour qu'une intervention soit reportée. Souvent, le personnel doit recourir à une méthode de stérilisation plus rapide - dite «flash» -, ce qui est contre-indiqué selon les normes actuelles. Dans certains hôpitaux, c'est la direction qui est à blâmer pour la mauvaise gestion du bloc opératoire.

Et trop souvent, les médecins prévoient à l'horaire moins de cas qu'ils pourraient en faire en réalité, souligne le Dr Barrette. Ils craignent de devoir annuler des cas en cours de journée s'ils font autrement.

«Les médecins détestent renvoyer un patient à la maison, lance le Dr Barrette. La relation avec le patient est importante. Si le chirurgien doit annuler un cas, ça attaque toute la crédibilité, la confiance, la compétence face au patient.»

Partout, le comité a fait le même constat: «On a vu dans tous les hôpitaux des gens très démotivés, des gens qui ont vu leur hôpital bien fonctionner et ensuite dépérir progressivement avec les coupes et les non-remplacements. La flamme était éteinte», affirme le président de la FMSQ.

Quelques mois plus tard, la flamme semble se rallumer. Le plan d'action qu'a produit le comité après chaque visite a ainsi permis de régler des tensions internes. Des problèmes d'horaires ont été résolus. Après une entente avec Québec, les anesthésistes ont par exemple consenti à commencer les journées plus tôt et à finir plus tard pour s'occuper d'un plus grand nombre de patients. Le gouvernement a aussi injecté 10 millions pour combler des postes et acheter de petits instruments.

Les résultats préliminaires sont encourageants, mais il faudra encore du temps pour changer les mentalités. «Certains hôpitaux ont mis jusqu'à six mois pour acheter leurs instruments et afficher des postes parce qu'ils ne croyaient pas que le gouvernement allait payer, déplore le Dr Barrette. Cela a entraîné des délais dans l'application des plans d'action.»

 

Quelques chiffres

Entre 460 000 et 475 000 opérations sont réalisées au Québec chaque année

> 93% des interventions ont lieu dans un délai de six mois

> 30 732 patients sont en attente depuis plus de six mois, dont 14 658 à Montréal

Source: Ministère De La Santé Et Des Services Sociaux