Menacés de perdre la vue, des milliers de patients sont soignés au privé parce que le traitement n'est pas disponible à l'hôpital. Sauf qu'ils doivent payer de leur poche pour certains frais et tous n'y ont pas accès. 

Une situation qui n'est pas claire pour la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui s'interroge à savoir si la situation ne contrevient pas à la loi.De 4000 à 6000 Québécois sont traités chaque année pour la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) sous la forme humide. C'est la forme la plus grave de la maladie. Du sang et du liquide s'accumulent dans la rétine et la personne atteinte perd progressivement toute vision centrale de l'oeil si la maladie n'est pas traitée.

 

Le Lucentis, un médicament révolutionnaire, permet de stopper la progression de la maladie. Mais il est coûteux, environ 1700 dollars la dose et le traitement nécessite plusieurs injections.

 

Le médicament est si coûteux qu'il ferait exploser le budget des hôpitaux. Pour cette raison, et aussi parce que la procédure ne nécessite pas toute l'infrastructure hospitalière, le traitement ne se donne pas à l'hôpital. Les ophtalmologistes l'offrent en cabinet privé.

 

«À ma connaissance, aucun hôpital n'offre le Lucentis», confirme le président de l'Association des médecins ophtalmologistes du Québec, le Dr Jean-Daniel Arbour.

 

Depuis décembre 2007, le Lucentis est inscrit sur la liste des médicaments remboursés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

 

Sauf que les patients doivent tout de même payer des frais d'environ 125 $ chaque fois qu'ils reçoivent le traitement en clinique. Comme le Lucentis est administré aux quatre semaines pendant plusieurs mois, la facture dépasse rapidement le millier de dollars.

 

Les médecins qui travaillent en clinique privée ont le droit de facturer aux patients certains frais accessoires liés au traitement, notamment des gouttes et des analgésiques.

 

Mais souvent, la somme facturée sert aussi à payer les frais de fonctionnement du bureau, ce qui est contraire à la loi. Les cliniques privées font face à des dépenses élevées puisqu'elles doivent employer du personnel et acheter de l'équipement coûteux, comme un scan, pour traiter adéquatement les patients.

 

«C'est certain qu'une partie de ça (des frais de bureau) est payée par le patient. Mais en échange, il a accès à un service excellent et rapide», souligne le Dr Arbour.

 

Il arrive aussi que le patient n'ait pas un reçu détaillé de sa facture. Depuis juin 2007, la loi oblige pourtant les médecins à le faire.

 

«La facture doit indiquer dans le détail les tarifs réclamés pour chacun des services, les fournitures, les frais accessoires et les frais médicaux non assurés», explique le porte-parole de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, Marc Lortie.

 

La situation a cours parce qu'il n'existe pas d'entente entre Québec et les médecins au sujet «d'honoraires techniques» pour le traitement de la DMLÀ avec le Lucentis, ce qui couvrirait les frais de bureau liés à l'administration du traitement.

 

«Les médecins n'ont pas le droit de le facturer, mais ils le facturent quand même parce qu'ils doivent bien payer la machine et le technologue. Le gouvernement les met volontairement en péril», lance le président de la Fédération des médecins spécialistes, le Dr Gaétan Barrette qui souhaite que le gouvernement remédie au problème.

 

Autre problème, le Lucentis n'est pas accessible à tous. Comme il est inscrit sur la liste des médicaments d'exception, les patients doivent répondre à des critères très précis pour que le médicament leur soit remboursé.

 

Plus du tiers des patients n'ont donc pas accès au Lucentis, estime le Dr Arbour.

 

Les patients qui ne sont pas admissibles à recevoir gratuitement le Lucentis n'ont accès à aucun médicament remboursé et reconnu qui pourrait stopper leur perte de vision, reconnaît la porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux, Dominique Breton.

 

«C'est d'un point de vue pharmaco-économique que le ministère a évalué que ce n'était pas une option coût-efficace pour le traitement des lésions de type occulte, indique Mme Breton. Le fabricant doit faire de nouvelles preuves de l'efficacité de son médicament pour les autres conditions et soumettre de nouvelles études au Conseil du médicament.»