Une nouvelle étude manitobaine affirme qu'être déployé en zone de combat n'augmente pas le risque de suicide des soldats. Tuer ou blesser quelqu'un augmente par contre le risque, mais moins qu'avoir subi une agression sexuelle ou des sévices durant l'enfance.

«Il y a beaucoup de controverse autour de l'impact des guerres sur la santé mentale des soldats», explique l'auteure de l'étude publiée dans le Journal canadien de psychiatrie, Shay-Lee Belik, de l'Université du Manitoba. «Nous avons su que l'armée canadienne avait demandé à Statistique Canada de faire une enquête sur le suicide et les soldats. Ce type de données est rare, particulièrement au Canada, alors nous avons sauté sur l'occasion», a-t-elle précisé.

 

Selon des données dévoilées la semaine dernière par le ministère de la Défense, il y a eu 13 suicides l'an dernier chez les hommes qui sont soldats. Cela équivaut à un taux de suicide légèrement plus élevé que la moyenne des hommes au Canada, 23,37 par 100 000 habitants contre 17,3.

L'étude de Mme Belik, qui vient de terminer sa maîtrise en santé publique, n'a pas trouvé de risque accru de suicide chez les soldats qui avaient été déployés comme combattants ou Casques bleus.

Le risque double si le soldat a été témoin d' «atrocités», il triple chez ceux qui ont causé des morts par accident, et il quadruple chez ceux qui ont tué ou blessé quelqu'un intentionnellement, par exemple en utilisant leur arme en zone de guerre.

À titre de comparaison, le risque est huit fois plus élevé chez les soldats victimes de viol, et il augmente de sept fois chez ceux qui ont été victimes de mauvais traitements durant l'enfance. Ces chiffres concernent les hommes. Chez les femmes, qui formaient le tiers de l'échantillon de 7000 soldats, la guerre n'augmentait pas le risque de suicide.

La controverse sur le risque de suicide des soldats existe depuis des décennies, mais elle a été relancée en 2007 par une étude américaine montrant que les vétérans avaient deux fois plus de risque de se suicider que le reste de la population. «D'autres études ont reproduit ces résultats, et d'autres non, précise Mme Belik. De toute façon, notre étude ne portait pas sur les vétérans, qui sont peut-être plus à risque parce qu'ils ont parfois dû quitter l'armée avant la retraite, mais sur les soldats.» En 2003, une étude sur des Casques bleus norvégiens avait trouvé un risque plus accru de suicide, mais celui-ci disparaissait quand on tenait compte de certains facteurs comme leur état matrimonial.

D'autres études, sur des soldats américains, ont noté que les combats intenses avaient un impact. Le risque de syndrome post-traumatique passe ainsi de 4,5% chez les soldats ayant servi en Irak sans tirer un coup de feu, à 9,3% pour ceux qui ont été impliqués dans une ou deux fusillades, et 19,3% pour plus de cinq fusillades.

 

Le suicide dans l'armée

Nombre de suicides chez les soldats canadiens de sexe masculin:

2008 13

2006 7

2004 10

2002 9

2000 12

SOURCE: ministère de la Défense