Afin d'afficher de meilleures performances aux urgences, certains hôpitaux de la région de Montréal cachent des patients dans de nouvelles unités d'hospitalisation transitoires (UHT). Les patients peuvent séjourner des jours dans ces unités, mais la durée de leur séjour n'est pas comptabilisée, ce qui améliore les performances des urgences.

«Les patients peuvent passer de cinq à six jours dans l'unité de transition. Mais on ne les comptabilise nulle part. C'est vraiment une façon de biaiser la durée de séjour aux urgences», dénonce Mireille Chaumin, présidente du syndicat local de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) à l'hôpital Santa Cabrini.

 

Depuis le mois de juin, une UHT de 12 civières a été créée à l'hôpital Santa Cabrini. Après avoir passé 48 heures aux urgences, les patients en attente d'hospitalisation sont placés à l'UHT. «Cette unité est située dans un petit coin de l'urgence. Les patients y passent en moyenne six jours sur une petite civière», confirme Mme Chaumin.

À Santa Cabrini, l'UHT est desservie par le personnel des urgences. Mais dès qu'un patient y est transféré, il ne figure plus dans les statistiques. «Quand on dit que la durée de séjour à l'urgence de Santa Cabrini est de deux jours, ce n'est pas vrai! dit Mme Chaumin. C'est bien plus!»

Mme Chaumin déplore aussi que le personnel des urgences doive traiter les patients de l'UHT alors que par définition, «ils ne sont plus à l'urgence».

Plusieurs hôpitaux de la région de Montréal se sont récemment dotés d'unités de transition. Chacune fonctionne selon des règles variables.

À l'hôpital du Sacré-Coeur, les 42 civières de l'UHT sont desservies par une équipe indépendante des urgences. À l'hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR), les 18 lits de l'UHT sont situés dans une pièce à part et sont gérés indépendamment des urgences.

À l'HMR une autre unité appelée unité d'hébergement brève (UHB) accueille des patients des urgences qui attendent leur congé. L'UHB, qui dispose de 15 lits, est gérée par le personnel des urgences, mais ne figure pas dans les statistiques des urgences.

Pour la présidente du syndicat des professionnels en soins de santé de l'HMR, Sylvie Boulet, ces unités sont une façon de «cacher la poussière sous le tapis». Selon elle, les hôpitaux utilisent toutes sortes de méthodes pour améliorer leur performance aux urgences. «Il y a des pénalités financières si on a des patients qui séjournent plus de 48 heures à l'urgence. Ça incite les hôpitaux à contourner les règles», dit-elle.

Présidente de l'Association des médecins d'urgence du Québec (AMUQ), la Dr Geneviève Bécotte a été étonnée d'apprendre le fonctionnement des UHT et des UHB. «Si les données ne sont pas comptabilisées, ça n'a pas de bon sens. Ça fausse les statistiques de l'urgence», dit-elle.

Les effets des unités de transition sur les statistiques des urgences sont majeurs. À l'hôpital Santa Cabrini, l'arrivée des 12 civières de transition a considérablement amélioré les performances des urgences. Alors que la durée entre l'admission et l'obtention du congé atteignait 20 heures en mai 2008, elle a subitement chuté autour de deux heures en juin et n'a jamais augmenté depuis.

Les nouvelles UHT ressemblent étrangement aux unités de débordement présentes dans plusieurs hôpitaux de la province. Les unités de débordement sont des civières placées dans un local de l'hôpital et qui accueillent les patients en attente d'hospitalisation. Ces patients ne sont pas comptabilisés dans les statistiques des urgences.

Au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), on confirme qu'il y a actuellement 1054 civières en unités de débordement ou en UHT au Québec. «L'objectif des unités de débordement et des unités de transition est le même: assurer la fluidité de l'urgence», résume la porte-parole du MSSS, Dominique Breton.

Le taux d'occupation des UHT et des débordements varie quotidiennement. Hier, 480 des 1054 civières étaient occupées. Au cours des trois derniers mois, 477 civières ont été occupées en moyenne.

La semaine dernière, La Presse révélait que la durée moyenne de séjour dans les urgences du Québec ne s'est pas améliorée au cours des premiers mois de 2008 et reste de 16,6 heures. Il est difficile de déterminer à quel point les nouvelles UHT influencent ces données.

Selon la présidente de l'AMUQ, la Dr Bécotte, l'arrivée des UHT est «inquiétante». «Il va falloir regarder ça de plus près», dit-elle.