Les délais d'attente en psychiatrie ont fondu au Québec, selon un haut dirigeant du ministère de la Santé. L'attente maximale pour une référence en clinique externe de psychiatrie a chuté de trois ans à huit mois au Québec depuis 2005.

Ce changement découle de la décision de confier davantage de responsabilités en santé mentale à la «première ligne», c'est-à-dire les médecins de famille et les Centres de santé et de services sociaux (CSSS), a expliqué à La Presse André Delorme, directeur de la santé mentale au ministère, en marge d'un congrès international sur cette question, mercredi, à l'Institut Douglas. Les CSSS sont les successeurs des CLSC.

 

«On veut que les plus gros CSSS de la province aient chacun deux équipes de santé mentale, l'une pour les adultes, l'autre pour les enfants, dit le Dr Delorme. Les trois quarts de ces CSSS ont la moitié du chemin de fait. À Montréal, par contre, on commence à peine, alors le tiers a le tiers de fait.»

Concrètement, cela signifie qu'entre un et trois des 12 CSSS de Montréal ont des équipes de santé mentale relativement fonctionnelles. La moitié des 95 CSSS de la province sont jugés assez gros pour avoir de telles équipes.

Ce retard de Montréal tient à la présence de départements de psychiatrie importants, selon Gaston Gaston Harnois, l'un des organisateurs du congrès qui se tenait sous l'égide de l'Organisation mondiale pour la santé (OMS). «Les psychiatres préfèrent rester dans les gros départements, estime le Dr Gaston Harnois. En région, où ils sont seuls, il faut inévitablement collaborer avec la première ligne.»

L'implication de la première ligne, en particulier des médecins de famille, est beaucoup plus avancée en Angleterre et en France. À Lille, en particulier, les psychiatres ne peuvent pas prescrire directement de médicaments, ce qui oblige l'implication des médecins de famille.

«Les médecins de famille ont très bien collaboré», explique Jean-Luc Roelandt, le vis-à-vis du Dr Harnois pour Lille dans le réseau de l'OMS. «Pour eux, ça voulait dire davantage d'actes, donc plus de revenus. Les psychiatres ont garanti une consultation en 24 ou 48 heures pour assurer les médecins de famille que les cas de crise seraient pris en charge rapidement.»

En plus d'envoyer les psychiatres dans les cliniques urbaines, Lille a réussi à développer un service de consultation à domicile, particulièrement pour les adolescents, une clientèle réticente aux visites chez le psychiatre. La durée moyenne d'une hospitalisation en psychiatrie est passée de 15 à 7 jours depuis 2002, ce qui permet d'éviter de couper le patient de ses réseaux sociaux, selon le Dr Roelandt.

En Angleterre, les médecins de famille qui prennent en charge les patients psychiatriques se sont rendu compte qu'ils ne sont pas plus difficiles que les autres, au contraire, affirme Julian Leff, professeur à l'Institut de psychiatrie de Londres. «En général, ils s'occupent très peu de leur santé physique, dit le Dr Leff. Alors ils ne vont pas bombarder leur médecin de demandes sur leurs petits bobos.»

Parmi les autres innovations permettant de transférer en première ligne les patients psychiatriques, le Dr Leff énumère les hôpitaux de soins aigus de jour, où les patients sont hospitalisés durant la journée, mais renvoyés chez eux pour la nuit, et les «maisons d'hospitalisation», où les soins intensifs n'excluent pas une participation des patients aux tâches ménagères comme dans un foyer d'hébergement.

Le Québec est à la traîne en ce qui concerne le transfert de la santé mentale à la première ligne, selon le Dr Roelandt. Mais il a des leçons à donner quant à l'implication des «aidants naturels». «Les associations d'aidants naturels sont beaucoup plus fortes qu'en France. D'ailleurs, nous avons invité cet automne une délégation d'aidants naturels québécois pour former les nôtres.»