Architecte paysagiste de formation, Isabelle Dupras a consacré sa carrière à la mise en valeur et à la préservation de la flore indigène du Québec. Elle a reçu en mai dernier le prix Henry-Teuscher remis par le Jardin botanique de Montréal. Isabelle Dupras est notre Personnalité de la semaine.

«La vue d'un champ de trilles nous donne le sens du lieu, ça nous renvoie à nos racines, à notre identité québécoise, affirme d'emblée Isabelle Dupras. Tout comme en Arizona, on s'attend à voir des cactus, pas des bégonias.»

Isabelle Dupras est cofondatrice et présidente-directrice générale d'Horticulture Indigo, une pépinière qui cultive uniquement des espèces de la flore indigène du Québec. La pépiniériste hors-norme a réussi, en plus de 20 ans, à produire et offrir plus de 250 plantes québécoises. Et n'allez surtout pas chez Indigo pour vous procurer des fleurs qui habilleront votre cuisine extérieure, la jeune femme prône une horticulture «moins ornementale».

Réduire l'érosion ou la chaleur

Elle siège d'ailleurs au conseil d'administration de la Société québécoise de phytotechnologie, qui privilégie l'utilisation des plantes afin de contrer les problèmes environnementaux. «Jardiner ne doit plus rimer avec décorer, souligne-t-elle. Il faut se remettre les mains dans la terre pour revitaliser, pour réduire l'érosion ou la chaleur, et pour mettre en valeur la flore d'ici.»

En plus d'être un grossiste, sa pépinière est aussi un centre d'excellence, de recherche, d'innovation et de diffusion. Horticultrice, conférencière, pépiniériste, auteure et architecte paysagiste, Isabelle Dupras le dit elle-même: elle possède de multiples personnalités.

Fondée il y a 20 ans, Indigo est née de sa passion pour la nature et l'architecture des jardins. Des intérêts qu'elle partage avec son «beau Belge», son conjoint Jean Daas. En choisissant de produire exclusivement des plantes indigènes, les deux tourtereaux savaient très bien que la route ne serait pas facile. «Nous nous sommes souvent fait traiter de producteurs de mauvaises herbes», avoue celle qui affirme être vue maintenant comme une originale plutôt qu'un mouton noir.

Des paradoxes dérangeants

Mais Isabelle Dupras se bat encore surtout contre certains paradoxes qui la dérangent. Elle a dû frapper plusieurs fois à la porte du ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs afin d'offrir son aide pour la reproduction d'espèces menacées.

«Il est interdit de faire pousser de l'ail des bois parce qu'il est en voie de disparition. Mais je suis spécialisée dans la flore indigène, je pourrais aujourd'hui le cultiver et favoriser sa propagation. Mais d'après les lois, si on me prend avec cette plante, je dois m'en débarrasser... afin de la protéger», explique Isabelle Dupras.

Mais elle avoue du même souffle qu'un projet concernant l'ail des bois est maintenant sur le point d'être lancé en collaboration avec le Ministère.

Quand on lui parle de son prix Henry-Teuscher, Isabelle Dupras répond avec émotion: «C'est une récompense colossale. Je suis très flattée que le Jardin botanique reconnaisse ma contribution à l'horticulture. Et en plus, je ne suis ni morte ni en fin de carrière, ajoute-t-elle en riant. Je prends ce prix comme un cadeau qui vient souligner à la fois le travail des 20 dernières années et celui des 20 prochaines.»