«Veilleux le conquérant», titrait L'Équipe, le grand quotidien sportif français, au lendemain de la victoire de David Veilleux à la première étape du Critérium du Dauphiné, une épreuve prestigieuse qui s'est conclue dimanche en France.

Ce n'est pas tous les jours qu'un Québécois gagne une course de catégorie World Tour, le plus haut niveau en cyclisme. En mars, François Parisien s'était imposé lors d'une étape du Tour de Catalogne, devenant le premier Québécois à réaliser l'exploit.

Le calibre au Dauphiné est un grade au-dessus. Environ la moitié des meilleurs cyclistes de la planète y va pour préparer le Tour de France, dont le propriétaire (A.S.O.) détient aussi le Dauphiné. L'organisation, la télédiffusion, le protocole sont en tous points semblables. Comme le maillot jaune de leader qu'a porté Veilleux durant trois jours.

Surnommé «Caribou» par les membres de son équipe, Europcar, Veilleux a montré qu'il avait du panache. Initiateur de l'échappée dès le deuxième kilomètre d'une étape en comptant 120, il a faussé compagnie à ses trois compagnons dans un col de première catégorie, avant de filer seul vers la ligne tracée à Champéry, en Suisse. Une chevauchée de 47 kilomètres au cours de laquelle il a résisté au retour du peloton.

Sa victoire a marqué les esprits au Québec, où Veilleux n'était pas tellement connu hors du milieu du cyclisme. Avec le nombre de requêtes médiatiques auxquelles il a dû répondre, le cycliste de 25 ans a pu mesurer son impact.

«En étant à l'extérieur, je ne suis pas certain que j'en ai eu entièrement conscience, a précisé Veilleux, joint jeudi au téléphone. Ça m'a grandement surpris. Je suis content. Ça montre que le vélo est populaire chez nous. C'est un sport qu'on ne connaissait pas vraiment avant. Il y a un engouement. Si ça peut inspirer les jeunes à commencer le vélo, ça va être bien. Ou juste donner une inspiration à tout le monde, ce serait vraiment extraordinaire.»

Le vélo de compétition est entré dans sa vie au début de l'adolescence. Ça a commencé par le vélo de montagne. «Je voulais faire du motocross, mais mes parents ne voulaient pas...»

Il s'inscrit dans un programme de sport-études, où un entraîneur lui fait découvrir les subtilités du cyclisme sur route. Rapidement, il est accroché. Il se souvient qu'avec son père, ils se dépêchaient de revenir des courses pour ne pas manquer la fin des étapes du Tour de France à la télévision.

«Je me suis tanné un peu du vélo de montagne, explique-t-il. C'était toujours un contre-la-montre. Tu partais, tu étais seul dans le bois, tu faisais ton temps et ça finissait là. Tandis qu'en vélo de route, il y a un travail d'équipe extrêmement important. Il y a aussi une dimension stratégique qui fait toute la différence. Ça m'attirait plus que la montagne.»

Gagnant du Tour de l'Abitibi, une importante épreuve internationale junior, il a enchaîné les succès sur la scène nationale, décrochant cinq titres chez les moins de 23 ans. «La discipline et le désir de performer, il a toujours eu ça en lui», souligne son père, Alain Veilleux.

Après un passage aux États-Unis, où il a remporté en 2010 les championnats américains de critérium, David Veilleux fait le grand saut en Europe l'année suivante. Il donne une touche d'exotisme à Europcar, une équipe aux racines très franco-françaises.

Son premier mandat est de s'illustrer dans les classiques printanières, ce qu'il réussit à merveille, prenant entre autres le 25e rang lors de sa première participation à la prestigieuse Paris-Roubaix.

Au fil du temps, David Veilleux se prend à rêver au Tour de France, pour lequel il est passé à un cheveu d'être choisi l'an dernier. Sa non-sélection a été un «choc», admet-il. Dont il a brillamment rebondi avec une victoire aux Trois vallées varésines, en Italie, son plus beau succès jusque-là.

Si le vélo prend beaucoup de place dans sa vie - il s'est installé en Espagne pour l'entraînement durant l'hiver -, il ne néglige pas les études pour autant. Il est à mi-chemin d'un baccalauréat en génie mécanique, un domaine qui satisfait sa curiosité et lui permet de s'évader. La carrière d'un cycliste professionnel est rarement longue, souligne-t-il. Passer la trentaine sur deux roues est déjà un bel accomplissement. «Je ne sais pas où je me retrouverai à 34 ans, mais la vie n'est pas finie! Je ne veux pas être mal pris.»

Pour l'heure, il pense toujours au Tour de France. Sa prestation au Dauphiné devrait lui permettre de devenir le premier natif du Québec à y participer. «Tu en veux toujours plus, constate David Veilleux. Tu essaies de voir jusqu'où tu es capable de repousser tes limites.»