Depuis que Daniel Gauthier, cofondateur du Cirque du Soleil, est à la tête du Massif de Charlevoix, la région a bien changé. Un train touristique relie maintenant Québec à La Malbaie, l'excellence du nouvel hôtel La Ferme a été maintes fois soulignée et plus de 780 emplois ont été créés. Le Massif est véritablement devenu une destination de calibre international, et un Club Med pourrait prochainement s'y installer. La Presse et Radio-Canada nomment Daniel Gauthier, Personnalité de la semaine.

C'est à 17 ans que Daniel Gauthier a véritablement été séduit par Charlevoix. Le jeune homme, de Saint-Basile-le-Grand, venait de terminer son cours secondaire et voulait découvrir la province. «Je suis donc parti, sur le pouce, pour me ramasser à Baie-Saint-Paul», se souvient l'homme de 54 ans, aujourd'hui propriétaire du Massif de Charlevoix.

C'est là qu'il se découvre des affinités avec les artistes qui fréquentent l'auberge de jeunesse Le Balcon Vert. On y trouvait une faune composée essentiellement de «jeunes flyés», provenant des quatre coins de la province et de l'Europe. «C'est Le Balcon Vert qui m'a ouvert les yeux sur notre monde, sur le Québec», avoue-t-il aujourd'hui.

Le jeune Gauthier finira d'ailleurs par travailler à l'auberge. Artiste dans l'âme, l'entrepreneur admet se reconnaître dans Le Blues du Businessman de Luc Plamondon. «J'aurais voulu être un artiste... mais j'ai vite compris que je n'avais pas ce qu'il fallait. Ma véritable force était de les comprendre et de pouvoir travailler avec eux.»

C'est aussi au Balcon Vert, en 1982, qu'il rencontre un véritable saltimbanque, du nom de Guy Laliberté. Ce dernier fait partie d'une troupe d'échassiers, qui finira par devenir le noyau central du Cirque du Soleil. Le reste appartient à l'histoire.

Un nouveau chapiteau

En 2001, lorsqu'il quitte le Cirque, après un tour de piste de près de 20 ans, Daniel Gauthier a 43 ans, des millions en banque et beaucoup de temps libre pour retourner skier sur sa montagne préférée, Le Massif.

«J'aurais pu me retirer et jouer à la Bourse pour le reste de ma vie, mais ça n'apporte rien ni à moi ni au reste de la société. J'avais envie de me prouver que je pouvais faire autre chose.»

Après une année de réflexion, le ski bum, comme il se décrit, finira par acheter la montagne. Il ne lui restait qu'à élaborer le bon plan de développement, en alliant créativité, respect et responsabilité. «Sans l'appui de la population, je n'aurais rien fait», souligne-t-il.

Dix ans plus tard, et après bien des obstacles, les trois pôles importants, imaginés par Daniel Gauthier et son équipe, sont désormais en place. Le train, l'hôtel et la montagne offrent aux visiteurs une expérience où s'entremêlent l'aventure, l'émotion et les saveurs locales, le tout dans un des plus beaux panoramas de la province.

Le train offre ici une véritable croisière de 140 km, entre Québec et La Malbaie, avec une vue imprenable sur le littoral. Il fait un arrêt au coeur de Baie-Saint-Paul, à La Ferme, complexe de villégiature doté d'une architecture aux propriétés bioclimatiques. L'hôtel de 145 chambres vient d'ailleurs de remporter le premier prix des Retails and Leisure Interiors Awards 2012. Une mention que plusieurs comparent à une «médaille d'or olympique en architecture intérieure».

À ce projet récréotouristique de plus de 280 millions de dollars viendra peut-être s'ajouter un tout nouveau Club Med, le premier au Canada. Les deux parties sont toujours en discussion, «une étape qui prend plus de temps que prévu».

En attendant, Daniel Gauthier désire accentuer l'offre de spectacles, de festivals et autres manifestations culturelles dans la région. «Ce sont des relents circassiens, je l'admets, ajoute-t-il à la blague. Mais la créativité est l'une de nos forces, ici au Québec. Et c'est ce qui attire les touristes: le Moulin à images, le Cirque, le Festival d'été de Québec, le Carnaval. On est reconnu à travers le monde pour ça et il faut miser là-dessus.»

Dans un contexte de concurrence mondiale, où «la plus lointaine des jungles est accessible avec quelques clics d'ordinateur», l'homme d'affaires souhaiterait plus d'investissements dans le tourisme. «Cette industrie est probablement le plus grand employeur de la planète. Même les pays émergents investissent dans le tourisme parce qu'ils savent que ça rapporte. Si on ne se mobilise pas rapidement, on va perdre du terrain. On se bat maintenant contre la planète tout entière.»

Pour ce visionnaire, le projet du Massif est loin d'être terminé. Daniel Gauthier compare lui-même sa montagne à un cirque. «Le chapiteau est en place, la vente des billets va bien et on a de beaux décors, mais il faut encore peaufiner notre show.»