Professeure titulaire au département de psychologie de l'Université de Montréal, Louise Nadeau a remporté le prix Marie-Andrée-Bertrand, en novembre. Cette mention récompense un chercheur dont les travaux ont mené à la mise en oeuvre d'innovations sociales importantes. Louise Nadeau a dédié sa vie à la compréhension des dépendances, abattant au passage plusieurs préjugés. Également présidente d'Educ'alcool, c'est un peu grâce à elle, si l'on sait que la modération a bien meilleur goût. Afin de souligner son parcours exceptionnel, La Presse et Radio-Canada la nomment Personnalité de la semaine.

Louise Nadeau est très touchée d'être la première lauréate du prix Marie-Andrée-Bertrand. Elle connaissait personnellement la grande criminologue, morte en mars 2011. En 1978, Marie-Andrée Bertrand lui avait confié la création et la direction du certificat en toxicomanie de la faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal. «C'était une femme remarquable qui, déjà en 1973, avait écrit un rapport dissident qui avançait que les politiques mises en place n'aideraient en rien la diminution de la consommation des drogues», souligne Louise Nadeau qui croit, elle aussi, que la réhabilitation des personnes dépendantes passe par des traitements, et non par des sentences lourdes.

Louise Nadeau a dédié sa vie à la compréhension des dépendances à l'alcool et aux drogues. En 1972, après un baccalauréat et une maîtrise en psychologie à l'Université de Montréal, la jeune psychologue est devenue intervenante au centre de réadaptation Portage. C'est là qu'elle a vécu «une expérience extraordinaire», assure-t-elle. «Pendant des mois, j'ai partagé une chambre avec une résidante qui m'a raconté sa vie éprouvante. C'est là que j'ai compris tout ce que l'on ne m'avait pas appris à l'école. Violence, pauvreté, inceste, viol... On arrivait à comprendre pourquoi toutes ces personnes en étaient arrivées là.»

Elle s'envole ensuite vers la France, dans une clinique où elle approfondit l'importance de comprendre les liens qui unissent les psychopathologies et les facteurs comme l'éducation, le milieu de vie et le bagage génétique. Louise Nadeau revient ensuite au pays et entre à l'Université de Montréal. Féministe engagée, elle publiera, avec deux collègues, Va te faire soigner, t'es malade, en 1981. L'essai, qui remporte un vif succès, dénonce les préjugés sexistes dont sont victimes les femmes qui souffrent de problèmes mentaux.

La scientifique s'est toujours intéressée de près à la condition féminine. En 1982, elle obtient des fonds pour étudier la question de l'alcoolisme chez les femmes en Amérique du Nord. Avec cette monographie, Louise Nadeau est devenue la première à traiter du syndrome d'alcoolisation foetale.

La chercheuse s'est ensuite inscrite au doctorat en psychologie à l'Université du Québec à Montréal. Elle a approfondi ses connaissances sur le sujet en rencontrant des femmes qui souffrent de dépression et qui ont commencé à boire avec excès. «Les personnes vulnérables sont toujours plus à risque», résume-t-elle.

Prôner la modération

C'est en 1990 que la Société des alcools (SAQ) l'approche pour son organisme Educ'alcool. Présidente depuis 2007, Louise Nadeau est très fière du chemin parcouru, bien qu'elle avoue qu'il reste encore beaucoup à faire. «Nous avons réussi à montrer, souvent avec humour, que la modération a bien meilleur goût. Mais Educ'alcool, ce n'est qu'un début. Il faut d'autres mesures pour empêcher les gens de se saouler. Il faudrait, par exemple, que les bars refusent de servir les gens intoxiqués. Ce sont les intoxications qui coûtent cher à la société. Chicane, bagarre, perte de productivité, accident, etc. Le tiers des victimes de traumatismes crâniens sont intoxiquées au moment de leur accident.»

La chercheuse est aussi associée à l'Institut universitaire de santé mentale Douglas de l'Université McGill. Cette équipe a fait des percées importantes en matière de prédiction du risque de récidive pour les conducteurs avec capacités affaiblies. Louise Nadeau travaille à mieux saisir les liens entre le processus de prise de décision, l'impulsivité et certains déficits neuropsychologiques. «Nous avons travaillé, avec la Société de l'assurance automobile (SAAQ) afin d'élaborer le règlement du 1er juillet dernier qui permet le retrait du permis de conduire à tous ceux qui atteignent les 160 mg d'alcool ou qui ont eu une condamnation dans les 10 dernières années, ou qui refusent le test d'alcoolémie», souligne-t-elle.

Touche à tout, Louise Nadeau termine une étude sur le jeu en ligne, commandée par le ministère des Finances. La dépendance aux jeux de hasard et d'argent ne date pas d'hier. La preuve: elle dirige actuellement la traduction, du latin au français, du premier livre connu sur le jeu pathologique. L'ouvrage date de 1561. «Imaginez: l'auteur, médecin de formation, privilégiait déjà la thérapie cognitive pour les joueurs pathologiques. Et il parle d'espoir aussi... Tout ça en latin du XVIe siècle!»

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