Vendre des capteurs d'images à la NASA est une consécration en soi. Voir ces mêmes capteurs atterrir sur Mars et transmettre aussitôt des images d'un autre monde, ça a quelque chose de magique. Parce que leur technologie joue un rôle crucial au sein de la mission Curiosity, dont la sonde s'est posée avec succès sur Mars la semaine dernière, La Presse et Radio-Canada nomment l'équipe de l'usine Teledyne Dalsa de Bromont Personnalité de la semaine.

Les clichés en noir et blanc ont fait le tour du monde. On y aperçoit le sol martien jonché de cailloux, parfois un pied du robot Curiosity, avec des montagnes ou le soleil en arrière-plan.

Pour les scientifiques et les millions de gens qui se sont passionnés pour la mission Curiosity, ces photos ont apporté la preuve lundi dernier que la sonde la plus complexe à s'être jamais posée sur Mars était arrivée à bon port sans encombre. Curiosity pouvait alors commencer son véritable travail, qui vise notamment à répondre à une question qui tracasse les hommes depuis des siècles : y a-t-il de la vie sur Mars? Ces clichés de la planète rouge qui ont tant frappé l'imaginaire n'auraient jamais pu être pris sans le travail des employés de l'usine Teledyne Dalsa, de Bromont, en Estrie.

Ce sont eux qui ont conçu et fabriqué les capteurs d'images faisant fonctionner les caméras de Curiosity.

« Très humblement, nous sommes pas mal convaincus que les capteurs les plus avancés de la planète sont fabriqués ici », dit Donald Robert, viceprésident aux ventes à l'usine Teledyne Dalsa de Bromont.

Douze capteurs fabriqués à Bromont se trouvent actuellement sur Curiosity, et ils sont loin d'avoir terminé leur boulot.

Quatre d'entre eux sont installés dans les caméras de navigation de la sonde robotisée. Perchées au sommet du mât, ces caméras permettent à l'engin d'examiner les environs pour s'orienter.

Les autres capteurs font fonctionner les huit caméras du robot qu'on appelle «hazcams». Installées à l'avant et à l'arrière de la sonde, elles pointent vers le sol et permettent au robot de voir le terrain et d'éviter les obstacles.

Ce n'est pas la première fois que le prestige des missions spatiales rejaillit sur Bromont. En 2004, les sondes robotisées Spirit et Opportunity avaient aussi exploré Mars avec des capteurs identiques à ceux qui fonctionnent actuellement sur Curiosity.

Des décisions stratégiques

Pour l'usine Teledyne Dalsa de Bromont, la visibilité apportée aujourd'hui par la mission de Curiosity est l'aboutissement d'un long cheminement.

Fondée en 1973, rachetée en 1976 par Mitel, d'Ottawa, puis par Dalsa, de Waterloo, en 2002, l'usine de Bromont a longtemps fabriqué des circuits intégrés destinés à l'industrie des télécommunications. Comme à bien des endroits, la concurrence asiatique aurait facilement pu mettre l'usine en péril. Mais les dirigeants de Bromont ont vu venir la menace. Et l'ont habilement esquivée.

«Au début des années 90, on a vu les gouvernements de la Chine, de Taïwan et de la Corée investir massivement dans des usines de fabrication de masse pour les circuits standards, raconte le vice-président Donald Robert. On a compris qu'on ne pourrait pas concurrencer ce genre d'industrie subventionnée. Et on a décidé de réagir en trouvant des marchés de niche.»

Les dirigeants orientent alors la production vers les produits haut de gamme. L'usine commence à fabriquer des capteurs d'images comme ceux qui se trouvent sur Curiosity. Elle se tourne aussi vers ce qu'on appelle les «microsystèmes électromécaniques », des capteurs miniatures de haute technologie qui se trouvent notamment dans les gyroscopes des iPhone et les systèmes qui déclenchent les coussins gonflables des voitures.

L'an dernier, pour la troisième fois de son histoire, l'usine de Bromont a à nouveau changé de mains. Cette fois, c'est la californienne Teledyne, un important fabricant de systèmes électroniques pour l'aérospatiale et la défense, qui s'en est portée acquéreur.

Au début du moins d'août, en collaboration avec l'Université de Sherbrooke et l'usine IBM de Bromont, Teledyne Dalsa a également inauguré le plus gros centre de recherche sur la microélectronique du Canada, des installations qui devraient permettre à l'usine de Bromont de rafler encore davantage de mandats.

« La mission sur Mars nous amène beaucoup de visibilité, mais c'est seulement une partie de ce qu'on fait, dit Donald Robert. Notre but a toujours été de nous positionner comme un leader mondial dans le domaine technologique. Malgré les changements de propriétaire, on a toujours réussi à garder ce leadership. Aujourd'hui, sous Teledyne et avec notre nouveau centre de recherche, on croit que notre site est encore plus stratégique qu'auparavant.»