La fondation MIRA fête ses 30 ans cette année. Depuis sa création, plus de 2000 chiens-guides ont été offerts gratuitement. Et autant d'hommes et de femmes handicapés ont maintenant une plus grande autonomie. Et surtout, une meilleure qualité de vie. C'est pourquoi La Presse et Radio-Canada décernent à son fondateur, Éric St-Pierre, le prix de la Personnalité de la semaine.

Éric St-Pierre a grandi sur une ferme, entouré de chiens. «Dans le temps, il n'y avait pas de clôtures. Même les chiens des voisins se ramassaient chez nous. En période de rut, ça ressemblait à un Woodstock canin», dit-il en riant. Très tôt, son père lui montre comment dresser les chiens qui doivent ramener les vaches, du pâturage à l'étable. Il ne le sait pas encore, mais c'est le premier chapitre d'une bien belle histoire.

Jeune homme passionné de musique, il commence à chanter et à gratter la guitare. Il se produit dans des mariages et sur des terrains de camping. Le gérant du groupe Les Sultans le repère. Éric St-Pierre enregistre le succès Nathalie et il est même sacré Révélation Jeunesse d'Aujourd'hui 67. «Ce fut le sommet et la fin de ma carrière», raconte-t-il. Coca-Cola l'engage pour une pub et la diffuse avant qu'il ne soit en règle avec l'Union des Artistes. «L'UDA m'a sanctionné. Et je n'ai plus eu le droit de travailler», ajoute Éric St-Pierre. Il continuera néanmoins à composer et à écrire, sans véritable succès.

Une bonne idée

En 1979, il dresse des chiens de garde et d'autres utilisés pour la détection de drogues et de bombes. L'ambiance est lourde: «Les chiens devaient être entraînés pour être méchants et je n'étais pas à l'aise avec ça.» C'est une amie de l'Institut Nazareth et Louis-Braille (INLB), un centre de réadaptation pour non-voyants, qui viendra tout changer. Elle lui demande de venir observer un chien-guide. Le client, un non-voyant, a de la difficulté avec la bête qui vient d'une école américaine. Le chien est confus et son comportement est erratique. «Normal, la pauvre bête n'avait jamais vu un hiver québécois de sa vie», souligne-t-il.

À cette époque, tous les chiens-guides provenaient des États-Unis et aucune école de dressage n'existait au Canada. Éric St-Pierre flaire l'occasion favorable. Il demande à l'INBL de lui montrer comment fonctionne un non-voyant. Il promet de leur former un chien.

En corbillard

En 1981, MIRA voit le jour et la fondation livre ses deux premiers chiens-guides. Mais les coûts liés au dressage sont élevés et le gouvernement n'a pas d'argent. Éric St-Pierre ne roule pas sur l'or. «Un salon funéraire m'avait donné un vieux corbillard. Ç'a été la première voiture MIRA. J'allais chercher mon fils à l'école avec le corbillard rempli de chiens», se rappelle-t-il en riant.

Éric St-Pierre sait qu'il doit créer un buzz autour de son projet. Il décide de montrer ses chiens tous les week-ends pour sensibiliser les gens à sa cause. Il fait faire des macarons et récolte des dons. Son slogan: «Un p'tit deux pour les yeux». Il se souvient même d'une visite dans les bureaux de La Presse. Il s'était présenté les yeux bandés avec un chien-guide pour expliquer sa mission. «Tous les journalistes pensaient que j'étais aveugle!», avoue-t-il. Éric St-Pierre a toujours eu une excellente vision. Surtout pour sa fondation! MIRA est aujourd'hui connue par la majorité des Québécois. Il va plus loin encore: «MIRA appartient à tous les Québécois. Nous l'avons bâtie ensemble.»

La fondation MIRA est aussi reconnue par ses pairs à travers le monde. L'oeuvre d'Éric St-Pierre est maintenant la référence mondiale dans le domaine. MIRA est aussi un modèle de gestion privée. Complètement financée par les dons et les activités de financement, seulement 7% des 6 millions récoltés l'an passé sont allés aux frais administratifs. Un chien-guide coûte environ 30 000$ et MIRA en donne de 150 à 180 par année.

Projet d'avenir

Depuis quelques années, MIRA s'intéresse particulièrement aux enfants qui présentent des troubles envahissants du développement (TED), comme l'autisme. En 2010, la fondation a créé la Schola MIRA, une école qui oeuvre auprès d'enfants qui présentent un TED, et offre des services de formation et de soutien à leurs proches. Les résultats sont positifs jusqu'à maintenant. «On poursuit nos études. Mais on note des changements dans leur comportement. En dormant avec les chiens, la plupart des enfants ont augmenté leur temps de sommeil. Et, par le fait même, celui de leurs parents», ajoute-t-il.

M. St-Pierre se fait tranquillement à l'idée de prendre sa retraite: «Ce n'est pas dur, mais ce n'est pas facile», avoue-t-il nerveusement. C'est Nicolas, son fils, qui prendra la relève. Il est déjà chef instructeur chez MIRA. «Mon fils, c'est l'Obélix des chiens-guides. Il est tombé dedans très jeune», dit-il.

D'ici là, Éric St-Pierre poursuivra chaque jour sa mission: accroître l'autonomie des personnes handicapées et favoriser leur intégration sociale. Un chien à la fois. Et toujours gratuitement.