Les Bruins de Boston n'avaient pas gagné la Coupe Stanley depuis 39 ans. Ils ont mis fin à cette longue disette en triomphant des Canucks de Vancouver, le 15 juin dernier, lors du septième match d'une finale qu'ils ont largement dominée. Le chef d'orchestre de ce triomphe? L'entraîneur-chef Claude Julien, un homme modeste qui a surmonté bien des obstacles pour parvenir au pinacle de sa profession. La Presse et Radio-Canada lui décernent le titre de Personnalité de la semaine.

Une semaine après la victoire historique de ses Bruins, Claude Julien pousse un long soupir lorsqu'on lui demande s'il commence à réaliser la portée de l'exploit que son équipe et lui ont accompli.

«Après le défilé qui a réuni plus d'un million de partisans, les célébrations autour de la Coupe avec les joueurs et les membres de nos familles et les félicitations que nous font les partisans partout où nous les croisons en ville, c'est bien sûr que je le réalise. Mais je n'ai pas encore eu le temps de vraiment l'apprécier.»

«Fêter, c'est bien beau. C'est plaisant. Mais il faut travailler aussi. On a rencontré tous les joueurs pour s'assurer qu'ils reviendront reposés et en forme après un été qui sera très court. Gagner la Coupe, c'est merveilleux, mais il faudra être au sommet encore l'an prochain. On a le repêchage à préparer (NDLR: il se déroulait en fin de semaine à Saint Paul, au Minnesota), et nous avons le camp des espoirs dans deux semaines. On n'a pas eu beaucoup de temps pour absorber tout ce qui est arrivé, mais ça va venir.»

Ça viendra peut-être cet été, lorsqu'il débarquera avec la Coupe Stanley à Orléans, banlieue francophone à l'est d'Ottawa. C'est là qu'il a grandi et appris à jouer au hockey, tout en sautant d'une corniche à l'autre avec son père, qui dirigeait une entreprise de recouvrement de toitures. Ça arrivera peut-être sur le balcon de la maison qu'il a acquise sur les rives de la rivière Rideau, au sud d'Ottawa, où il passera l'été avec sa femme, Karen, et leur fille, Katryna, qui aura 6 ans lorsque papa retournera travailler, à la fin du mois d'août.

«Je n'ai jamais été très fort sur les célébrations. Avec les Olympiques de Hull, en 1997, lorsqu'on a gagné la Coupe Memorial, c'est lors de la levée de la bannière commémorant notre conquête au début de la saison suivante que j'ai vraiment réalisé qu'on avait gagné. Peut-être que je devrai attendre le premier match au Garden pour boucler la boucle. On verra. D'ici là, je sais que les amateurs s'assureront de me rappeler que mon équipe a gagné la Coupe Stanley», lance l'entraîneur-chef avec une fierté évidente dans la voix.

Le Canadien, l'adversaire le plus redoutable

Claude Julien et les Bruins sont champions de la Coupe Stanley. Ils sont aussi les premiers de l'histoire de la LNH à soulever le trophée après avoir remporté trois séries à la limite des sept matchs. La première, contre le Canadien de Montréal, a été la plus difficile, assure Claude Julien.

Le Canadien a surpris les Bruins avec des victoires lors des deux premiers matchs à Boston. Le Tricolore menait même 3-1 dans le quatrième match, que les Bruins ont finalement gagné, après un temps d'arrêt opportun réclamé par l'entraîneur-chef.

«Je n'avais pas vraiment le choix. Si Montréal gagnait ce match pour prendre l'avance 3-1 dans la série, on ne les aurait sans doute pas battus. La première ronde est souvent la plus difficile. Il y a de la nervosité. Beaucoup de tension. C'était pire encore en raison de la rivalité qui oppose nos deux équipes et leurs partisans depuis toujours. Cette victoire a été l'élément déclencheur. Battre le Canadien nous a servi de tremplin.»

Critiques étouffées

Cette victoire contre Montréal a propulsé les Bruins vers les grands honneurs. Elle a aussi sauvé l'emploi de Claude Julien.

Congédié en 2006 par le Canadien, avec qui il avait fait le saut dans la LNH trois ans plus tôt, congédié l'année suivante par les Devils du New Jersey trois matchs seulement avant le début des séries, Julien était menacé de toutes parts au printemps, à Boston.

Critiqué par les journalistes, contesté par les partisans, il a même dû composer avec la pression étouffante liée à un commentaire de son patron, Peter Chiarelli, qui avait dit que la saison des Bruins serait un échec total si elle se terminait avant la finale d'association.

Claude Julien pourrait maintenant rire de ses détracteurs et savourer une douce revanche à l'égard du Canadien et des Devils. Mais ce n'est pas son genre.

«Le Canadien m'a donné ma première chance, les Devils m'ont permis de connaître une très grosse année avant de me remplacer. Tout ça m'a aidé à devenir un meilleur entraîneur. Comme les critiques, d'ailleurs. Ça forge une carapace, le caractère. C'est nécessaire pour gagner. Ce qui compte, comme entraîneur, c'est d'avoir le sentiment d'avoir tout donné, d'être fier de ce qu'on a accompli. Je l'étais à Montréal et au New Jersey. Je le suis depuis mon arrivée à Boston. J'ai maintenant la Coupe Stanley pour le prouver.»