De réputé groupe sur la planète indie rock, Arcade Fire est devenu un supergroupe mondial avec la parution de The Suburbs, en août dernier. Supergroupe mondial toutes catégories confondues. Ce statut a été plus que renforcé par la consécration dans trois catégories cruciales des plus importants galas tenus par l'industrie de la musique, la semaine dernière: «album de l'année» aux Grammy Awards, «groupe international de l'année» et «album international de l'année» aux Brit Awards. La Presse et Radio-Canada soulignent l'immense succès du groupe, qui rejaillit sur Montréal, en le nommant Personnalité de la semaine.

Sur l'internet, une des questions les plus posées sur Google la semaine dernière a été la suivante: quel est ce groupe nommé Arcade Fire? Si des millions de téléphages, surtout américains, ne connaissaient pas l'existence de la formation montréalaise jusqu'aux soirs de remise des trophées Grammy et Brit, ils la connaissent désormais, comme c'était déjà le cas de millions de fans.

Il faut réaliser l'impact exponentiel que génèrent d'ores et déjà ces trois statuettes remportées par Arcade Fire à la surprise générale. Profanes et amateurs de rock indé ont sans aucun doute réalisé la provenance du groupe, vu les chauds remerciements à l'endroit de Montréal. Impact gigantesque pour la métropole québécoise, force est de déduire.

Une semaine folle

Déjà, on savait le rayonnement potentiel de The Suburbs, vu la taille des affiches sous lesquelles Arcade Fire se produit depuis l'été dernier. Or, personne ne pouvait prédire ces percées au coeur de la culture pop anglo-américaine.

«Crazy week», résume Tim Kingsbury, multiinstrumentiste d'Arcade Fire, joint à son domicile peu après être rentré d'Europe.

«Bien sûr, nous venons de passer une semaine des plus excitantes. Tellement de gens ont appris notre existence! Mais il est difficile de définir les conséquences réelles de ces prix. En fait, nous avons plutôt eu l'impression de vivre des moments surréalistes. Lorsque, par exemple, Barbra Streisand nous a ainsi présentés (The Ssssssuburbs), c'était parfait!»

Est-il besoin de souligner que les membres d'Arcade Fire ne sont pas du genre à rêver d'un trophée Grammy ou d'un Brit? Mais... qu'en est-il, une fois cette victoire acquise dans les plus hautes sphères de l'industrie de la musique?

«À l'origine, répond Tim Kingsbury, aucun d'entre nous n'aurait souhaité gagner ces prix. Cela n'était pas un objectif, nous n'avons jamais été inspirés par cela. À l'époque de l'album Funeral, nous avions été mis en nomination dans la catégorie «meilleur album alternatif» pour le gala des Grammy. Nous avions trouvé cet événement étrange, alors que cette fois, nous y avons pris plaisir. Nous avons vu là un spectacle amusant, sans trop nous y prendre au sérieux.

«Bien sûr, nous sommes conscients de l'impact et du rayonnement des Grammy et des Brit Awards. Mais... un trophée en soi? Pour moi, la musique n'a jamais été une compétition ni un sport. Finalement, c'est un peu comme gagner à la loterie, dites-vous? Oui, exactement. J'ai le sentiment que nous avons gagné à la loterie. Franchement, nous n'avions pas vu venir tout ça.»

Montréal, ville de création

Parmi les remerciements officiels du groupe aux galas des Grammy et des Brit, Montréal a été cité à plus d'une reprise. Quelques jours plus tard, le groupe persiste et signe.

«Arcade Fire, soutient Tim Kingsbury, n'aurait pu devenir ce qu'il est devenu dans une autre ville que Montréal. Sauf Régine qui y a grandi, tous les membres du groupe se sont établis à Montréal parce que la ville était fertile à la création et à l'expérimentation. La qualité de la vie montréalaise et le style de vie qu'on peut y préconiser concourent à cet état créatif.»

Et la langue française? Qu'en sera-t-il à l'avenir au sein d'Arcadre Fire?

«Nous avons, pour la plupart, appris à bien parler le français. Je suis sûr que nous pourrons en inclure davantage dans nos chansons à venir - Régine le fait déjà. Montréal, c'est chez nous et nous devons assurément tenir compte de cette réalité.»

Quoi qu'il advienne à ce titre, Arcade Fire devra désormais composer avec la planète rock, toutes langues et toutes nationalités confondues. Et assumer son statut de supergroupe, avec ses avantages et désagréments. Le désengagement d'une portion plus radicale de la faune rock indé, par exemple.

«C'est vrai, ça pourrait se produire, admet Tim Kingsbury. Vous savez, lorsque nous avons lancé notre premier maxi, nous avons conquis un premier public dont une portion n'a pas aimé l'album Funeral. On a observé le phénomène pour Neon Bible, idem pour The Suburbs. Si on remplit des arénas, certains le déplorent jusqu'à penser qu'on ne se produira jamais plus dans de petits amphithéâtres. Quoi qu'on fasse, il s'en trouvera pour le déplorer.»

Les musiciens d'Arcade Fire aspirent néanmoins à une créativité sans cesse renouvelée, soutient Tim Kingsbury. «Personne ne peut prétendre maîtriser la créativité, mais quiconque prétend être un artiste doit sans cesse alimenter cet état créatif. Je sais, avec l'âge et les aléas économiques de l'existence, on peut se retrouver prisonnier d'une formule. Nous devons en rester conscients, rester honnêtes et exigeants envers nous-mêmes. Mais je ne peux nous imaginer nous laisser gagner par la médiocrité. Tant que nous aurons le sentiment d'évoluer, nous pourrons continuer à travailler au sein de ce groupe. Voilà le seul barême d'évaluation qui me semble crédible.»