L'arrondissement de Ville-Marie abrite un magma d'humanités. Divers problèmes sociaux y sont présents à tous les coins de rue: drogue, décrochage scolaire, prostitution, itinérance, etc. En même temps, sur ce même territoire, il règne une activité économique vivante, qui profite à des milliers de travailleurs. Comment tisser des liens entre deux mondes qui, traditionnellement, s'ignorent? C'est un défi que Damien Silès, directeur général de la Société de développement social de Ville-Marie, tente de relever quotidiennement, au moyen d'actions concrètes. La Presse et Radio-Canada tiennent à souligner le grand mérite de la mission de M. Silès en le nommant Personnalité de la semaine.

Damien Silès a été nommé à la tête de la Société de développement social à la suite des recommandations issues du Forum socioéconomique, en mai 2008. Devant une prise de conscience lucide d'une situation catastrophique, et l'absence de moyens pour intervenir efficacement, le Forum a reconnu l'urgence d'une intervention à la fois imaginative et efficace au sein de l'arrondissement. Dès le début, Damien Silès a lancé plusieurs projets dont le principal est celui de bâtir un pont entre les entreprises et les organismes à but non lucratif afin d'offrir aux plus démunis des outils pour s'en sortir.

Petits pas

Une conviction profonde chez lui: «Les actions locales à petite échelle peuvent, au fil du temps, donner d'excellents résultats.» Il a pris conscience rapidement de la nécessité d'inventer des façons d'agir différentes, pour s'adapter aux différents types de pauvreté. Par exemple, sur une population d'environ 75 000 habitants, on trouve de 8000 à 10 000 sans-abri (dont 40% souffrent d'une maladie mentale), et la communauté autochtone hors réserve la plus importante du Québec.

Le seul autre membre de l'équipe de M. Silès, son adjoint, est Robert Beaudry. «On ne souffre pas de réunionite aiguë. On est constamment sur le terrain», souligne Damien. Le tout avec un budget de 500 000$ pour deux ans et un conseil d'administration de neuf personnes.

Afin d'aider les gens du quartier, les entreprises doivent accepter de collaborer au travail social en équipe, et bien entendu faire du mentorat. «Les premières démarches, parfois longues, consistent à casser les stéréotypes. On doit convaincre. Avec la Société de développement social, nous sommes en quelque sorte des courtiers en valeurs sociales, explique-t-il. Je vends de l'itinérance...» Damien Silès peaufine un projet et puis se dirige vers une entreprise à qui il offre un moyen de s'engager dans le quartier. «L'entreprise choisit sa cause qui est le gage d'un meilleur maillage. Nous sommes des facilitateurs, explique-t-il. On ne demande pas l'impossible. Pour le moment, il s'agit que l'entreprise offre un travail facile à quelqu'un qui a perdu l'habitude du travail régulier.» Ce dernier pourra éventuellement inscrire une première expérience dans son curriculum. Et voilà comment la réinsertion sociale se réalise. «Le travail est pour l'individu une grande source de fierté et de confiance en soi.»

C'est le résultat qui compte

Si ce travail le passionne autant, c'est qu'il découvre la richesse individuelle et intrinsèque de personnes que l'on craint généralement, dont on se méfie. «Il y a tellement de qualités chez ces personnes sur qui le mauvais sort s'est souvent acharné! Moi-même, j'en ai été touché et impressionné. L'entrepreneur du quartier s'en rend compte lui-même rapidement.» On doit pouvoir regarder au-delà des apparences.

Ce qui motive ce leader de 42 ans, c'est le sauvetage du plus grand nombre de ces naufragés urbains. «Dans les pays pauvres, la pauvreté individuelle est généralement vécue dignement, respectueusement. Dans nos sociétés riches, il y a un abandon de notre part, un vide psychologique qui se crée et qui fait peur.»

Pour lui, il est important d'obtenir des résultats concrets dans tout ce qu'il entreprend. Ingénieur mécanique de formation, Damien Silès a choisi plutôt de s'orienter vers le commerce international, et a compris très tôt son attrait pour les projets sociaux. Il est arrivé à Montréal à 18 ans, en provenance de la Lorraine. Il a vécu six ans en Amérique du Sud pour réaliser des projets de développement. Son destin était tracé. «Je ne reviendrais jamais au génie», affirme-t-il, catégorique. Et il est amoureux de Montréal, il le connaît bien, et en retour il lui apporte une énorme contribution en mettant ses talents à son service.

«C'est une ville fantastique qui, à bien des égards, ne trouve pas son équivalent ailleurs. On peut réaliser des choses nouvelles, les esprits sont ouverts, sympathiques.» Il apprécie la place que tous les arts occupent dans la ville, grâce aux Montréalais qui, à son avis, font preuve, outre de curiosité, d'un véritable appétit de connaître et d'apprécier.

Avec Gabriel, son fils de 11 ans, et son travail à la SDSVM, même si tout ne va pas aussi vite qu'il le souhaiterait, il est un homme heureux. «D'aider mon prochain», avoue-t-il avec une grande retenue.