Les bonnes nouvelles s'accumulent pour Isabelle Marcoux. Le 29 novembre, on a appris que la vice-présidente du conseil d'administration et vice-présidente au développement des affaires de Transcontinental était une des neuf Québécoises lauréates du prestigieux prix des 100 femmes les plus influentes du Canada en 2010, dans la catégorie des cadres. Puis, mercredi dernier, Transcontinental a annoncé la meilleure performance d'exploitation de son histoire. La Presse et Radio-Canada nomment Isabelle Marcoux Personnalité de la semaine pour souligner son exceptionnelle carrière qui l'a menée aux grands conseils d'administration canadiens - une des très rares femmes à y accéder.

Âgée d'à peine 41 ans, Isabelle Marcoux siège notamment aux conseils de George Weston, Rogers Communications, Power Corporation et, bien sûr, Transcontinental.

N'y est pas invité qui veut.

«Il faut d'abord se faire la main, apprendre comment contribuer et comment intervenir avec impact, comprendre la dynamique d'un conseil», décrit-elle. Cet apprentissage, elle l'a fait peu à peu, dans les conseils d'administration d'organismes à but non lucratif et de sociétés partenaires de Transcontinental.

Il faut également un vaste réseau, qu'elle a tissé au fil des voyages d'affaires qui lui ont fait parcourir le pays. «Et enfin, il faut être reconnu pour avoir du jugement, du discernement et être travaillant.»

Bref, elle devait faire ses preuves. C'est fait. Au cours de la dernière décennie, elle a été la principale responsable des acquisitions et conclusions de partenariats de Transcontinental. Au tournant du millénaire, elle a ainsi contribué à consolider les activités d'impression de l'entreprise partout au Canada. Au début des années 2000, elle a élargi les activités d'édition avec l'acquisition de revues, de groupes de journaux, puis d'un éditeur de livres. Depuis trois ans, elle mène la charge vers les nouveaux médias numériques et le marketing interactif. «Depuis une douzaine d'années, résume-t-elle, j'ai fait près d'une centaine d'acquisitions, pour un total d'environ 750 millions de dollars.»

Les conseils d'administration comptent moins de 15% de femmes. Isabelle Marcoux le déplore. «Les femmes ont un regard différent, une approche souvent plus consensuelle, observe-t-elle. Elles écoutent, elles amènent à une réflexion, elles vont au fond des choses.»

«Les hommes doivent voir l'importance de cette diversité, ajoute-t-elle. Les femmes, de leur côté, doivent apprendre à sauter sans parachute. Elles veulent avoir toutes les compétences requises avant d'accepter un nouveau poste ou de solliciter de nouvelles responsabilités. Mais les compétences s'acquièrent aussi en cours de route.»

Fille de bâtisseur

«Quand on est la fille d'un bâtisseur, constate-t-elle, on peut ne pas vouloir se joindre à une entreprise, ou on peut y voir un certain attrait.»

Elle voulait. Rémi Marcoux, fondateur de Transcontinental, a posé trois conditions à ses enfants. Il fallait maîtriser trois langues, cumuler deux formations universitaires et avoir travaillé cinq ans à l'extérieur de l'entreprise. Isabelle Marcoux les a remplies: elle parle anglais et espagnol. Elle a obtenu un bac en sciences politiques et économiques (entamé à 16 ans!). Un autre en droit civil. Et enfin, elle a travaillé cinq ans comme avocate à l'étude McCarthy Tétrault.

Elle a fait le saut chez Transcontinental en 1997, à l'occasion de la naissance de sa fille aînée, Jeanne. Deux ans plus tard, Philippe est né. «Je suis très engagé dans la communauté, je siège aux conseils d'administration de grandes entreprises: concilier ça à la fin de la journée, ça demande un peu de gymnastique», indique-t-elle.

Euphémisme. D'autant plus que son conjoint, François Olivier, est lui-même président et chef de la direction de Transcontinental. «J'ai la chance de ne pas avoir besoin de dormir beaucoup», se félicite-t-elle. Elle gagne ainsi deux heures par jour.

Traditions familiales

Ses parents lui ont inculqué des valeurs importantes: «Le travail, l'honnêteté, le respect et le goût de faire une différence dans sa communauté», énumère-t-elle.

Elle veut les léguer à ses enfants. «Pour moi, il est important que mes enfants apprennent à gérer un budget, à travailler et faire des tâches pour gagner leur allocation», dit-elle.

La philanthropie est une autre de ces traditions familiales. «C'était dans nos gênes. Mes parents sont tous les deux très engagés.»

Son propre engagement a commencé très tôt, à la Fondation de l'Hôpital de Montréal pour enfants. «Mon fils a connu de nombreux problèmes d'alimentation et j'ai passé beaucoup de temps à l'Hôpital de Montréal pour enfants», explique-t-elle. Elle a siégé à la Fondation du maire pour la jeunesse, et elle préside depuis peu le comité d'éducation du Musée des beaux-arts de Montréal. La jeunesse est un thème récurrent...

À l'aube de la quarantaine, son principal objectif est de continuer à bâtir l'entreprise. Elle en a aussi de plus personnels: en septembre dernier, pour la première fois, elle s'est mise au tennis. «J'ai dit à mon instructeur que je n'avais pas beaucoup de talent, mais que j'avais assez de volonté pour être bonne un jour», raconte-t-elle avec le chaleureux sourire qui ne l'a pas quittée de toute l'entrevue. Et avec un éclat dans le regard qui, on ne sait pourquoi, fait songer à Roger Federer.