On ne peut pas dire que les Québécois n'ont pas compris le poète, le nationaliste, le résilient, le passionné. Le premier album des mots de Gaston Miron mis en musique par Gilles Bélanger a ému plus de 35 000 Québécois. Il y a fort à parier qu'il en sera de même avec le deuxième album de Douze hommes rapaillés, Volume 2, réalisé par Louis-Jean Cormier, sous étiquette Spectra Musique. Tout pour attendrir dans l'au-delà le poète qu'on a déjà croisé dans la rue, ou au square Saint-Louis, qui toujours accrochait son regard aux gens et aux choses, avec une sorte de tendresse.

Rapaillage : glanures, ramassis, restes de paille ou de foin.

Rapailler : ramasser, rassembler.

«Douze hommes rapaillés» sont donc douze hommes rassemblés. Ils forment une équipe, une communauté de pensée, et ils chantent celui dont on n'a pas oublié le génie poétique.

Ils chantent Miron : Yann Perreau, Martin Léon, Jim Corcoran, Michel Rivard, Pierre Flynn, Vincent Vallières, Michel Faubert, Daniel Lavoie, Louis-Jean Cormier, Richard Séguin, Yves Lambert, Gilles Bélanger. Des «eunes» et des «vieux» rassemblés autour d'une paella, ils goûtent leur réunion, les mots et la musique. Entre deux éclats de rire, comme si Gaston était là. Et les accords de la guitare de Gilles Bélanger, une musique inspirée qui jaillit spontanément.

La Presse et Radio-Canada veulent souligner le talent musical considérable d'un homme rapaillé, Gilles Bélanger, en le nommant Personnalité de la semaine.

Coup de coeur

La légende de celui que plusieurs qualifient de plus grand poète québécois vit toujours dans l'âme du peuple: «Quand on découvre Miron, c'est l'éblouissement. J'ai chanté une fois avec lui, à l'Union française», se souvient Gilles Bélanger.

Il y a eu certaines étapes dans le processus de création de son projet visant à mettre en musique la poésie de Miron.

En 1998, la poétesse Denise Boucher lui en fait la demande. Plus tard Chloé Sainte-Marie anime la scène de sa voix émouvante, avec son choix de poèmes québécois, dont plusieurs de Gaston Miron : 34 chansons, mis en musique par Gilles Bélanger.

On se souvient de: «Je marche à toi/Je titube à toi...»

C'est en 1970 que l'oeuvre majeure de Miron paraît sous le titre L'homme rapaillé. Ce fut un succès immédiat.

«Je suis un homme simple avec des mots qui peinent», écrit Miron dans le poème Avec toi.

Gilles Bélanger a cette simplicité. Gilles Bélanger est une boîte à musiques. Dans sa tête, bien qu'il soit autodidacte, vivent près de 200 chansons, paroles et musiques, mélodies engrangées ou plus récentes, dont il se souvient parfaitement, et qu'il a chantées sur scène et sur disque. Guitare, harmonica, accordéon et mandoline: il en joue.

S'il ne lit pas la musique, il la vit.

Musique en tête

C'est à l'automne 2007 que le projet de chanter Miron s'incarne. L'auteur-compositeur croit de tout son coeur à cette idée qui s'impose, telle une petite voix intérieure. De prime abord, ce n'est pas une idée payante. Il faut un certain courage pour l'entreprendre. Mais comme disent tous ceux qui réussissent, il faut croire en ses rêves.

Le talent de Gilles Bélanger comme mélodiste est apprécié. «Plus qu'avant», reconnaît celui qui a vécu de nombreuses années de vaches maigres. Humble, il ajoute : «C'est un peu gênant, tout ce succès.» C'est pourtant mérité.

Il fallait bien qu'un jour, à 63 ans, une nouvelle gloire musicale unique vive à la face du monde.

On dit qu'il est inspiré quoi qu'il fasse musicalement. «Je pensais à Gaston en écrivant.»

Gilles Bélanger, 15e de 18 enfants, résultat de deux familles réunies, est né et a vécu son enfance à Nouvelle en Gaspésie.

Son père fut forgeron et maître chantre. Sa mère? Sa famille est son royaume ; mais c'est le piano qui règne sur le moindre prétexte à chanson, et elle l'anime avec une voix divine.

Gilles Bélanger vit à Nouvelle jusqu'à l'âge de 18 ans. C'est un artiste. Il sait depuis toujours que la musique va l'entraîner ailleurs, même si son père aimerait le voir entreprendre un « vrai » métier.

Pour ce qui est de la parole, il la découvre véritablement au Séminaire de Gaspé en 1962, où il apprend, entre autres, le rythme qui l'accompagne en étant batteur.

Formé «sur le tas», doué d'un talent naturel, il présente des spectacles au cours des années 70: il explore toutes les scènes petites ou moyennes, ratisse la campagne et les villes, se produit avec sa guitare devant des publics conquis.

Il s'y fait de nombreux amis auxquels il reste fidèle. C'est dans son caractère d'amoureux, comme avec Jojo, sa compagne depuis 30 ans.

On est des amis de Gaston. Il a été notre dénominateur commun durant toute cette belle aventure.