Plus dynamiques que ça? Impossible. Avec quatre enfants chacune, entre les tétées, le boulot, les purées, les soupers et leur conjoint (pas nécessairement dans cet ordre!), Madeleine Allard et Annie Desrochers ont trouvé le temps d'écrire un livre. Pas n'importe lequel: un livre sur l'allaitement que, bien franchement, plusieurs mères attendaient.

Bien vivre l'allaitement, publié tout récemment aux éditions Hurtubise, se veut un ouvrage journalistique sur l'allaitement. Sauf erreur, c'est une première. Du moins au Québec. Il n'est pas le fruit de militantes, encore moins de spécialistes de la santé publique. Au contraire. Il s'agit ici d'un regard critique sur les différentes théories et autres préceptes souvent prônés dans les discours publics. Bref, un ouvrage pensé et écrit par des «intellectuelles du sein».

 

Pour avoir réalisé ce travail unique qui fait entendre une nouvelle voix dans le discours sur l'allaitement, La Presse et Radio-Canada nomment Madeleine Allard et Annie Desrochers Personnalités de la semaine.

Une référence

L'objectif du livre? Informer les femmes, leur donner l'heure juste et, surtout, la liberté de faire un choix. Leur choix. Éclairé.

Personne n'oblige les femmes à allaiter six mois exclusivement. Ni à commencer l'introduction des solides par des purées de céréales. Il n'est pas non plus nécessairement criminel de dormir avec son enfant. Ni de décider, un beau matin, qu'il est temps de le sevrer.

Non. Contrairement à bien des idées reçues, c'est aux femmes de décider. Encore faut-il qu'elles aient toute l'information à leur portée. D'où ce livre, la référence, finalement, que nos deux auteures recherchaient quand elles allaitaient.

Toujours creuser plus loin

«Nos fils ont 8 ans et demi? Alors on se connaît depuis huit ans et demi. Disons neuf», se souvient Annie Desrochers, journaliste et animatrice à la radio de Radio-Canada. Elle a rencontré Madeleine Allard, rédactrice traductrice à la banque TD, sur un forum «obscur» de discussion pour femmes enceintes, dont elles ont toutes deux oublié le nom. «J'ai tapé «femme enceinte» dans Google, et c'est le premier forum qui est apparu!» Toutes deux enceintes de leur premier enfant (elles ont ensuite eu presque simultanément leurs trois autres enfants), elles aimaient débattre de différentes questions, discuter littérature comme accouchement, philosophie ou allaitement, et se sont vite trouvé des atomes crochus, lesquels, à les voir pouffer de rire ensemble, huit ans et demi plus tard, ne se démentent pas. «On avait plein de questions sur l'allaitement, mais on ne se satisfaisait jamais des réponses qu'on trouvait dans les livres. On allait toujours chercher plus loin», raconte Madeleine Allard.

Un exemple: le sevrage. Plusieurs conseillères en allaitement prônent le sevrage dit «naturel» de l'enfant. Mais en quoi le sevrage est-il naturel? «La mère panda abandonne son petit dans la nature! s'exclame Annie Desrochers. Pour nous, parler de sevrage naturel, c'est une imposture!»

Idem avec le co-dodo, ou encore l'introduction des solides. Pourquoi commencer à tel âge, avec telles purées, quand ailleurs on commence plus tôt, avec autre chose? «On remettait tout en question, et on partageait nos recherches avec d'autres femmes, sur des forums de discussion», reprend Madeleine Allard.

D'où l'idée d'écrire un livre sur l'allaitement, donc, non pas en tant que «philosophie», mais plutôt en tant que «phénomène bio-culturel».

Nouveau discours

En recevant le titre de Personnalités de la semaine, les deux mères et auteures, qui animent également un blogue sur le même thème (Maman, j'ai faim!), espèrent ici contribuer, à leur manière, à un nouveau discours sur l'allaitement au Québec. Un discours qui ne serait plus axé sur la performance ou le militantisme, mais bien sur l'expérience vécue. Une expérience unique, qui, quoi qu'en disent certains, peut aussi être féministe. «Contrairement à ce que dit Élizabeth Badinter, qui voit l'allaitement comme un naturalisme imposé aux femmes, pour nous, l'allaitement a été une façon de nous épanouir, conclut Madeleine Allard. Pour toi, si c'est ton choix, et si ça transforme ta vie, alors oui, c'est féministe!» Encore faut-il que ce choix soit personnel, et non imposé. Choisi et non subi.