Le parcours de Yannick Nézet-Séguin était déjà impressionnant, et il le devient maintenant encore plus. À seulement 35 ans, il vient d'être nommé futur directeur musical du prestigieux Philadelphia Orchestra.

Aux noms Stokowski et Ormandy, il faudra maintenant ajouter celui de Nézet-Séguin. Le jeune maestro québécois succédera à ces grands chefs quand il deviendra officiellement directeur musical du Philadelphia Orchestra en 2012.

Fougueux sur scène, généreux avec ses musiciens et accessible en coulisses, Yannick Nézet-Séguin incarne autant l'excellence que le renouvellement de la musique classique auprès d'un nouvel auditoire. Pour sa détermination, son rare talent et son rôle d'ambassadeur de la musique classique auprès de la nouvelle génération, La Presse et Radio-Canada le nomment Personnalité de la semaine.

Une vision

Nous sommes en 1985. Âgé de seulement 10 ans, Yannick Nézet-Séguin descend dans le sous-sol familial pour écouter en boucle la colossale Symphonie no 40 de Mozart. En haut, ses parents jouent aux cartes. Il monte leur parler. Son message: un jour, il sera chef d'orchestre.

«Comme il s'intéressait à plein de choses à ce moment-là, qu'il chantait dans un choeur, dessinait et jouait du piano, on lui a dit que c'était une excellente idée et on a continué à jouer aux dés», a blagué l'année dernière sa mère Claudine à notre journaliste Nathalie Petrowski.

C'était sous-estimer la détermination et l'audace du jeune Yannick. Après tout, il jouait déjà au piano depuis cinq ans, tout en s'intéressant au théâtre. Alors qu'il était en quatrième année du primaire, il a dirigé l'ensemble de flûtes de ses aînés de sixième année.

C'était un bon entraînement. À cause de sa précocité, Yannick Nézet-Séguin a pris l'habitude de devoir gagner la confiance et le respect de musiciens plus âgés sous sa direction.

Ses musiciens voient en lui un grand communicateur et un travailleur acharné. «Il a la capacité de transmettre sa vision à l'orchestre, et sa vision devient la nôtre. Il crée une vision qui possède une grande unité - unité totale, unité de phrasé. Il est extrêmement clair», a indiqué au Philadelphia Inquirer Alain Cazes, membre fondateur de l'Orchestre métropolitain du Grand Montréal (aujourd'hui Orchestre métropolitain).

Si le jeune maestro obtient le meilleur de ses musiciens, c'est aussi parce qu'il montre l'exemple, poursuit son collègue. «Chaque fois qu'il commet une petite erreur, il dit: désolé, c'est ma faute. Puis il continue. Son autorité provient de sa personnalité et de sa vision artistique. (...) Il ne travaille pas pour être complimenté ou pour se faire aimer. Il est tout simplement vrai.»

Ce qui est vrai depuis toujours pour Nézet-Séguin, c'est la musique. Après des études remarquées au Conservatoire de musique du Québec à Montréal (cinq grandes distinctions), il se perfectionne auprès du grand chef italien Carlo Maria Giulini. La rencontre sera décisive. Nézet-Séguin le qualifie encore d'inspiration majeure.

Le poulain ne décevra pas son précepteur. Il dirige les principaux orchestres symphoniques du pays, et décroche un premier poste majeur en 2000: directeur artistique de l'Orchestre métropolitain. Il n'a que 25 ans. Tout s'accélère alors. Sa réputation traverse rapidement l'Atlantique.

En 2004, il fait ses débuts européens avec l'Orchestre national du Capitole de Toulouse. Il faudrait une pleine page seulement pour énumérer toutes ses réalisations et collaborations qui suivront en Amérique et en Europe. On se contente donc de mentionner les principales. Quatre ans plus tard, il devient directeur musical de l'Orchestre philharmonique de Rotterdam. L'Orchestre philharmonique de Londres en fera aussi son principal chef invité.

Les invitations se succèdent également aux États-Unis. Le 31 décembre dernier, il a dirigé Carmen de Bizet au prestigieux Metropolitan Opera de New York. La critique a adoré. «Les chanteurs ont bénéficié immensément de son travail», a écrit le New York Times. «Soirée passionnante», a ajouté le Wall Street Journal. Le Metropolitan Opera l'a engagé pour diriger une production par an dans les cinq prochaines années.

2017, et plus

L'arrivée de Yannick Nézet-Séguin à Philadelphie ne surprend pas trop. Déjà, les journalistes locaux apprenaient à leurs lecteurs à prononcer son nom: «Yah-NEEK Neh-ZAY Say-GUN.» Ils auront le temps de s'y habituer. Le maestro québécois entre officiellement en fonction comme directeur musical en 2012. Son contrat dure cinq ans. Au moins. «J'aimerais qu'il dirige notre orchestre pour une très, très longue période de temps. Pour une décennie ou plus», a indiqué aux journalistes de Philadelphie le président du conseil d'administration de l'orchestre, Richard Worley.

Avant sa nomination, Nézet-Séguin avait déjà dirigé deux concerts avec l'Orchestra. Il en dirigera plusieurs autres dans les deux prochaines années avant ses débuts officiels en 2012. Il retrouvera un visage familier à Philadelphie: le Suisse Charles Dutoit, actuellement chef principal du Philadelphia Orchestra. Avec Giulini, Dutoit est l'autre grande influence du jeune maestro.

Malgré son horaire hyper chargé, Yannick Nézet-Séguin a accordé une courte entrevue à notre critique Claude Gingras la semaine dernière. Enfant, Nézet-Séguin disait se fasciner déjà pour la «puissance» et la «densité» du «Philadelphia Sound». Ce sera maintenant à lui de le perpétuer.