Sur certains menus sophistiqués, ou croyant l'être, les plats annoncés semblent être écrits en chinois. Pour revenir à la source, apporter du réconfort, donner chaud au coeur et à l'estomac, rien ne vaut une pizza. Mais une bonne! C'est ce qu'a compris Alexandre Brunet, restaurateur et entrepreneur engagé dans le bio qui a le vent dans les voiles.

La première fois qu'il a pétri la pâte, l'a laissée reposer, étirée à la main, garnie de multiples fantaisies goûteuses, la pizza est devenue sa passion. Il avait 14 ans. Aujourd'hui propriétaire d'un restaurant, le Stromboli, Alexandre Brunet est aussi PDG d'Alimentation Cinq Sens, qui a mis en marché la première pizza biologique québécoise. Il propose ses pizzas surgelées dans plus de 600 points de vente; il anticipe de vendre 1 million de pizzas cette année.

 

Le jeune entrepreneur mérite, par sa ténacité et sa foi en son rêve, que La Presse et Radio-Canada le nomment Personnalité de la semaine.

La fibre de l'entrepreneuriat

Il sent grandir en lui la graine d'entrepreneur, à 14 ans, tout en plongeant ses mains dans l'eau de vaisselle d'une pizzeria des Laurentides, où il travaille pour gagner des sous. L'adolescent entreprenant vient d'avoir le coup de foudre qui va orienter sa vie. Il se précipite à la cuisine dès qu'il a fini son travail. C'est bien plus excitant d'aider le chef à pétrir la pâte que de gratter les casseroles! Il y a là un côté ludique pas très éloigné de la pâte à modeler de son enfance.

Le jour de ses 22 ans, le 20 juillet 1996, il a inauguré son restaurant bien à lui, sur une avenue du Mont-Royal déjà assez passante, mais sans la faune humaine plus chic du Plateau qu'on lui connaît aujourd'hui. «J'avais regardé partout pendant deux ans, raconte-t-il. Tout à coup, je vois cette affluence angle Christophe-Colomb et Mont-Royal, j'ai cru qu'il y avait une manifestation!» Il faut expliquer qu'il habitait Outremont et que la frontière était assez étanche.

En ouvrant le Stromboli, il avait l'intention de donner à la pizza ses lettres de noblesse, de lui redorer son blason terni. «Les chefs sérieux levaient le nez sur la pizza. Elle a été mal aimée, dévaluée. On explique encore aux gens que ce n'est pas de la malbouffe.»

En effet. Le produit qu'il propose est biologique, à partir de la farine et des autres ingrédients, y compris les merveilleux fromages Gouda et de chèvre. Tout vient du Québec. Les pizzas sont faites à la main, sans produit chimique. Et le programme de recyclage est respecté.

Le plus étonnant dans cette histoire est que moins de 15 ans plus tard, IGA, Metro, Loblaws acceptent de vendre ses pizzas surgelées et de les faire côtoyer, sur les tablettes, les produits des multinationales Kraft et McCain.

Ce n'est pas une mince affaire que d'avoir su convaincre les banquiers de la justesse de son projet! «C'est dur parfois avec eux. Il faut vraiment se débrouiller si on veut faire des affaires», dit-il.

Il peut désormais faire un pied de nez aux sceptiques: 1 million de pizzas vendues pour l'année 2009-2010. Et un chiffre d'affaires de 2,5 millions.

Alimentation Cinq Sens

La mission première de l'entreprise est «d'être fiers de ce que l'on fait». Il y a d'autres objectifs, ceux que l'on apprend en suivant les cours du certificat en commerce de détail et distribution à HEC Montréal. Une visée importante: vendre 5 millions de pizzas, toutes faites à la main. Au-delà des chiffres, aussi impressionnants soient-ils, il y a avant tout l'envie de faire plaisir à ses clients.

«Être le premier à exploiter en pizza les pleurotes bleus ne s'apprend pas à l'école. Il faut de la créativité, de l'amour. De même que l'on peut bien, dit-il, avoir des objectifs précis, il ne faut pas manquer les occasions.»

Le cadet d'une famille de trois enfants, un père avocat, une mère professeure, a vécu à Outremont la plus grande partie de sa vie. Il est lui-même père de famille d'enfants de 4 et 2 ans et d'un troisième à naître. Il leur apprend à skier, et leur transmet ainsi une autre de ses passions.

Sa carrière est en ligne droite. «Je n'ai jamais cessé de travailler en restauration.»

Et il ajoute qu'il est un manuel plus qu'un intellectuel, un manuel imaginatif.

À la tête de son usine de fabrication de pizzas qui compte une vingtaine d'employés, et le même nombre au restaurant, le jeune entrepreneur a conservé vivant l'émerveillement de son enfance en découvrant ce que la culture biologique offre de meilleur. Mais surtout en côtoyant des hommes et des femmes fiers, qui y consacrent leur vie. Il aime leur culture, leur engagement.

Cet engagement qui est aussi le sien.

Au cours de cette aventure gastronomique et d'affaires, Alexandre Brunet témoigne du respect de ses parents, qui n'ont pas cherché à contrecarrer son rêve.

Et il dit avec conviction aux jeunes et à ceux qui n'osent pas se lancer: «Si vous avez une passion, poursuivez-la. Il n'y a rien d'impossible.»

Si vous avez une passion, poursuivez-la. Il n'y a rien d'impossible.