David Payne a été élu à l'Assemblée nationale trois fois (1981, 1994 et 1998), il a été député 13 ans, il s'est engagé en politique pendant plus de deux décennies et il a servi cinq premiers ministres. Tout cela après une première carrière bien remplie dans le monde de l'enseignement. Actuellement en Haïti, il a réussi, grâce à un travail acharné, à rétablir les activités du Parlement seulement quatre jours après le séisme du mois dernier.

À 66 ans, ce Québécois d'origine britannique aurait parfaitement le droit de profiter d'une retraite bien méritée, mais le repos du guerrier attendra encore quelque temps.Malgré le terrible tremblement de terre du 12 janvier (le jour se son anniversaire !) et les jours effroyables qui ont suivi, David Payne n'entend pas quitter Haïti ni abandonner ses fonctions de directeur des affaires législatives du Parlement (réunissant les députés de l'Assemblée nationale et le Sénat).

Pour son engagement indéfectible, La Presse et Radio-Canada le nomment Personnalité de la semaine.

Rétablir le Parlement

Pourquoi rester? «Parce que c'est mon job, il faut que quelqu'un le fasse, i l faut continuer, c'est important, et justement, c'est mon travail. Il faut que le Parlement continue de s'exprimer, surtout après le tremblement de terre», répond M. Payne.

L'idée d'être nommé Personnalité de la semaine le rend mal à l'aise. «Je ne suis pas un héros, you know, juste un gars qui se trouvait ici et qui a fait ce qu'il a pu. Il y a tellement de gens qui ont fait tellement plus que moi ici!»

Convaincu de l'importance de maintenir les institutions même dans le chaos, il s'est rendu lui-même à l'aéroport de Port-au-Prince, trois jours après le séisme, pour convaincre le colonel américain Gibson de la 82e Airborne Division (en charge des opérations dans la capitale) de l'urgence de sécuriser le périmètre autour du palais législatif à moitié en ruine.

Avant de reprendre les activités propres au Parlement, il a d'abord fallu sortir les blessés et les morts des décombres du Palais législatif. Jour et nuit, pendant trois jours, David Payne et quelques-uns de ses employés ont fouillé les décombres de leurs propres mains, extirpant au moins une survivante. Pour les autres, nombreux, il n'y avait malheureusement plus rien à faire. David Payne a perdu des dizaines de collègues et d'employés.

Il a couru d'un bout à l'autre de la ville la première nuit pour chercher ses proches collaborateurs. Il a dû dégager lui-même le bébé de 1 an d'un de ses adjoints et lui annoncer sa mort. Un autre lui a mis son bébé de 5 jours dans les bras et lui a demandé de l'amener chez sa mère, dans un autre quartier.

«Le plus dur, c'est de parcourir son carnet d'adresses, d'essayer d'appeler des gens que je fréquentais et de réaliser qu'un grand nombre d'entre eux ne répondent plus», a dit récemment M. Payne à La Presse, lors d'un rare moment de répit à Port-au-Prince.

Peu importe l'ampleur du drame, il s'est remis au travail sur les ruines fumantes du Palais législatif, qui a été déménagé temporairement dans les baraques de l'Académie de police. À peine quatre jours après la catastrophe, le Parlement siégeait de nouveau, «avec quorum», dit M. Payne, un exploit dont il est très fier.

L'expérience des défis

Ce passage en Haïti marquera évidemment cet ancien député de Vachon pour le restant de ses jours, mais ce n'était pas sa première mission parlementaire en terrain démocratiquement difficile.

Avant Port-au-Prince, il occupait des fonctions semblables en... Irak (son employeur est USAID, une super ACDI américaine). Et avant l'Irak, l'Afghanistan, une autre oasis démocratique! Et avant l'Afghanistan, le Kosovo, sous l'égide de l'ONU.

Lorsqu'on lui demande s'il n'a pas envie d'une position dans un pays plus calme, il esquisse un petite sourire et lâche: «Oui, c'est vrai que j'ai travaillé dans des endroits pas très faciles, mais habituellement, il n'y a pas de tremblement de terre en plus!»

La passion des institutions

En politique, au Québec, il avait vécu quelques secousses, mais rien de comparable, évidemment. Un ressortissant britannique arrivé au Québec dans les années 70 et qui épouse la cause souverainiste, ça ne passe pas inaperçu.

Pendant des années, David Payne a été un traître aux yeux de certains anglophones et l' «Anglais de service» pour certains souverainistes francophones. Cela dit, à l'Assemblée nationale, il a toujours été un parlementaire respecté.

Un jour, il en a eu assez de la politique et il a entamé une nouvelle carrière, un geste qu'il ne regrette pas une seule seconde. Las de la politique partisane, mais toujours passionné par et pour les institutions. C'est ce qui le tient à Port-au-Prince.

M. Payne ne sait pas quand il quittera Port-au-Prince pour retrouver, à Montréal, sa femme et leurs deux jeunes filles. Après, la famille mettra vraisemblablement le cap vers Shanghai.

Mais pour le moment, il y a encore trop de travail en Haïti. Il faut relancer le Parlement, assurer une vie démocratique dans le chaos. Et, à temps perdu, chercher des tentes, des vivres et des médicaments pour ses employés foudroyés par le tremblement de terre.

Il y a quelques jours, M. Payne a pris une rare journée de «congé» pour faire l'a llerretour à Santo-Domingo (de 14 à 16 heures de route), en République dominicaine, pour aller chercher 125 tentes et des médicaments qu'il a réussi à obtenir à force d'appels téléphoniques et de démarches épiques.

« I'm just a guy doing his job, you know, nothing heroic». Vous avez le droit de ne pas être d'accord.