Chaque jour, depuis des années, il est appelé à examiner de tout petits coeurs ce petit moteur qui gronde déjà dès la septième ou huitième semaine de gestation. Le Dr Jean-Claude Fouron est cardiologue pédiatrique à l'hôpital Sainte-Justine. Il est spécialisé

en cardiologie foetale, un domaine pour lequel il est reconnu mondialement.

Cette année, le Collège des médecins du Québec lui a décerné son Grand Prix. Cette reconnaissance souligne l'apport du Dr Fouron à l'évolution de la profession médicale, mais aussi son humanisme et son engagement dans la communauté. En complément, l'éminent spécialiste a reçu également le prix Charles-Biddle à l'occasion de la remise du Prix québécois de la citoyenneté 2009. À leur tour, La Presse et Radio-Canada soulignent le dévouement sans faille de ce médecin admiré et aimé de ses pairs en le nommant Personnalité de la semaine.

 

Il a du coeur

D'entrée de jeu, il affirme: «Je ne suis pas seulement un médecin qui reçoit un prix. Je suis un immigré qui reçoit un prix. Et, qui plus est, de race noire.» Il porte en lui pour toujours l'Haïti de son enfance, de ses premières années de médecine là-bas, et la peine de l'avoir quitté. Avec les années, depuis 1967, il a ajouté dans son propre coeur un attachement profond pour le Québec. Médecin depuis plus de 40 ans, il est le fondateur et le directeur, depuis 1989, de l'unité de cardiologie foetale à l'hôpital Sainte-Justine. Il a occupé le poste de chef du service de cardiologie. Il est professeur titulaire au département de pédiatrie de l'Université de Montréal; il fait du tutorat, écrit des ouvrages scientifiques, participe comme conférencier à de nombreux congrès de cardiologie pédiatrique. Il est également chercheur, notamment sur le fonctionnement et les maladies du système cardio-circulatoire foetal et néonatal et sur l'utilisation des ultrasons en obstétrique et gynécologie. «Le coeur, c'est de la plomberie, de la physique hydraulique», dit-il en souriant. Il sait combien l'image du petit moteur qui s'emballe lorsqu'il souffre s'imprime dans notre imagination!

De l'avis de ses proches collaborateurs, ceux qui le côtoient au quotidien, le Dr Fouron est un médecin exemplaire qui fait montre d'une grande empathie. Il dit, lucide: «Dans notre quête d'équilibre, entre, d'une part, le pouvoir mis à notre portée par d'impressionnantes avancées scientifiques et, d'autre part, nos croyances fondamentales, qu'elles soient éthiques, morales ou religieuses, nous devons être compatissants.» Il rappelle que le coeur est l'organe le plus fréquemment touché par les malformations intra-utérines. La découverte de malformations cardiaques place les futurs parents devant un choix déchirant : interrompre la grossesse ou la poursuivre? Il ajoute, attendri : «Les parents font un véritable acte de foi lorsqu'ils abandonnent leur enfant entre les mains du médecin.» Sa science le porte naturellement à dépister les cardiopathies congénitales, mais il nous rassure: «La cardiologie foetale apporte sa part de choses positives, excitantes.» Il l'a découvert surtout au moment d'aborder cette spécialité, il y a bien des années. Il s'y est retrouvé plongé, dans des circonstances qu'il serait trop long d'évoquer ici. Mais ses pairs ont vite compris qu'ils avaient dans leurs murs un savant.

Un philosophe

Il a 76 ans et il pense ne pas avoir encore tout donné! «Je suis comblé, dit-il. J'ai beaucoup reçu de la vie, sur les plans professionnel et affectif, je suis entouré de gens qui m'apprécient.» Sa voix est douce. Son attitude trahit une grande humilité. On le sait studieux, perfectionniste, bourreau de travail, attaché à tous les aspects d'une problématique. «Ma femme m'appelle son moine!» Il a trois enfants et quatre petits-enfants. Il a une préoccupation constante et grandissante: «La valeur des gestes que nous accomplissons n'existe que pour l'autre.» Il voudrait que ce don soit altruiste. Une ombre légère passe dans son regard. Car il pense à tous ceux, là-bas, dans son pays d'origine, qui ne reçoivent pas autant. «Je ne remets pas en question ce que j'ai accompli, bien sûr. Et la vie humaine a la même valeur où que l'on vive. Mais ce que j'ai réalisé ici n'aurait pas pu l'être là bas. « Son sentiment de responsabilité est aigu. «J'ai fait de mon mieux, ajoute-t-il. Ce que j'ai acquis comme bagage prendra une grande valeur le jour où je pourrai en faire profiter les autres.» Haïti a besoin d'aide pour relever le défi de son taux de mortalité infantile, qui est de 80 pour 1000 naissances vivantes (de 50 à 100 fois plus élevé qu'au Canada). Il a donc mis en marche un projet d'accord entre les départements de pédiatrie des facultés de médecine et de pharmacie de l'Université d'État d'Haïti et de l'Université de Montréal. Jusqu'ici, les choses se présentent bien puisqu'il a obtenu l'aval de nombreux collègues.

Jean-Claude Fouron ne sera pas seul dans son désir d'aider.