Si l'on veut bâtir quelque chose de commun, si l'on veut parler d'interculturalisme, la seule façon de bien le faire c'est à travers l'imagination: imaginer les autres. «Si l'on veut bâtir quelque chose de commun, si l'on veut parler d'interculturalisme, la seule façon de bien le faire c'est à travers l'imagination: imaginer les autres.» Le coeur au travail bien arrimé, caméra en tête, imaginaire en bandoulière, et surtout avec une vision fidèle à l'objectif, Tom Perlmutter, président de l'Office national du film et commissaire du gouvernement à la cinématographie, entretient avec le septième art une relation privilégiée.

En poste depuis moins de deux ans, l'un des principaux projets de Tom Perlmutter a été de mettre gratuitement à la disposition du public plus de 700 productions de l'ONF: films d'archives, grands classiques et oeuvres contemporaines, documentaires, films d'animation ou de fiction primés.

 

L'institution, qui a 70 ans cette année, se donne un air de jeunesse et de renouveau. Tom Perlmutter contribue à assurer la pérennité de l'ONF et redonne au public canadien ce qui lui revient de droit : une partie de son histoire racontée et imprimée sur pellicule, maintenant accessible en ligne.

Pour cet apport important à la culture nationale, La Presse et Radio-Canada nomment Tom Perlmutter Personnalité de la semaine.

Évolution et révolution

À la fin des années 90, l'Office national du film a vécu un certain déclin, occasionné notamment par d'importantes compressions budgétaires, qui ont amputé du tiers son budget de fonctionnement. Ses productions étaient surtout pensées en fonction de la télévision.

Le passé de l'institution, celui des années 50 et 60, «offrait beaucoup de fraîcheur à cause de la nouveauté. Il s'agissait de création pure, qui a mis au monde de grands réalisateurs. Cela a donné quelque chose qui nous ressemble. Il est donc essentiel de rester fidèle à la vision de l'ONF, à son engagement social comme institution et à celui d'encourager le dialogue entre le public et les artistes».

L'ONF gère au-delà de 13 000 titres, une collection majeure «qui est une conscience culturelle pour le pays», ajoute Tom Perlmutter. «On doit donc utiliser les nouvelles technologies pour s'ouvrir au monde et pour que les films soient vus par le plus grand nombre.»

Conscient de la richesse de ce patrimoine, il ne s'agit pas pour lui de s'appesantir sur le passé en restant immobile ou en reprenant les recettes gagnantes, mais bien plutôt de s'inspirer de ce qui constitue l'âme de l'ONF; sa mission première étant d'être un laboratoire de création, d'explorer de nouvelles techniques, d'innover. «Il faut bousculer les frontières, prendre des risques. On ne l'a pas fait assez...»

Soutenir la création et les créateurs, repousser les limites de leur imaginaire. «Ce qui est important, au-delà du produit final, c'est tout le processus de création». Il va s'attacher à trouver l'argent pour le faire, à bousculer, comme ailleurs, le budget.

L'ONF, c'est aussi une ruche de près de 450 employés. Avant d'accepter son mandat de cinq ans, il avait longuement réfléchi. L'exercice l'a mené à une vision très claire dès le début. Avec un leadership de rassembleur, il a souhaité entraîner toute l'équipe à sa suite et favoriser les échanges entre générations. À cet égard, pour ce père de famille, un rôle de pédagogue est naturel dans ses fonctions.

«Il reste trois ans et demi à mon mandat. Il n'y a pas de temps à perdre pour assurer à l'ONF des fondations solides qui vont durer bien des années.»

Imaginer «l'autre»

C'est un homme chaleureux et empathique. Il travaille beaucoup, lit énormément pour s'inspirer «par toutes sortes de voies», dit-il. Il aime la poésie, son aspect prophétique parfois, découvre maintenant l'univers des poètes québécois.

«Si l'on veut bâtir quelque chose de commun, si l'on veut parler d'interculturalisme, la seule façon de bien le faire c'est à travers l'imagination : imaginer les autres.»

Les «autres», c'est un peu lui, ce jeune immigré hongrois arrivé à Montréal à l'âge de 4 ans. Il a aussi vécu plus tard en Angleterre durant plusieurs années.

Mais son parcours est plus compliqué. Il est né le 6 septembre 1948. Son père est décédé lorsqu'il avait 4 mois. Deux mois plus tard, sa mère a décidé de quitter la Hongrie. Sans papiers, elle a entrepris la traversée de l'Europe pour aller vivre en Israël. Ce fut une période très dure. Mais sûrement pas autant que celle qu'elle a vécue à Auschwitz, avant son mariage, survivante d'un enfer où la totalité de sa famille a disparu. «C'est une femme remarquable, j'admire son courage.» Elle a finalement répondu à l'appel de son frère, déjà installé à Montréal. Avec le temps, elle a tenu un salon de coiffure rue Laurier et s'est remariée avec un boucher du boulevard Saint-Laurent. Aujourd'hui, à 90 ans, sa vie est une leçon pour les autres. Son fils, Tom, se sent redevable d'une certaine manière à sa terre d'accueil et répète à quelques reprises qu'il espère apporter quelque chose à la société. «C'est un échange.»

«Je me sens complètement québécois», déclare, enthousiaste, celui qui exige que les réunions à l'ONF se déroulent en français.