Un patient à la fois. Le soigner, le comprendre, découvrir le mystère de son coeur et de sa maladie. Et un jour les sauver tous, parce qu'il aura, lui, Jean-Claude Tardif, cardiologue, trouvé la clé de l'action néfaste de l'athérosclérose, le plus grand tueur. C'est le beau défi de sa vie.

Le Dr Jean-Claude Tardif dirige à l'Institut de cardiologie de Montréal une équipe de 45 personnes qui font des recherches sur l'athérosclérose. C'est à ce titre en particulier que la Société canadienne de cardiologie lui a remis son Prix d'excellence en recherche, dans le cadre du Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire, tenu à Toronto le mois dernier. Pour ce travail qui vise à sauver des vies, La Presse et Radio-Canada lui décernent le titre de Personnalité de la semaine.

 

L'approche du savant

Sommité internationale dans le domaine de la santé cardiovasculaire, à 44 ans, le Dr Tardif est également praticien, professeur à la faculté de médecine de l'Université de Montréal et titulaire de la chaire Pfizer et des Instituts de recherche en santé du Canada en athérosclérose. Il a de plus, à ce jour, signé ou cosigné au-delà de 500 articles dans de prestigieuses revues scientifiques. Et il est invité à donner des conférences partout dans le monde.

L'un des moteurs de son action et de ses réussites? «Il y a eu beaucoup de personnes de ma famille atteintes de maladies du coeur, confie-t-il. Et en choisissant la médecine pour aider les malades, j'ai décidé d'aller en recherche pour faire une différence, révolutionner les traitements», ajoute-t-il sans forfanterie.

Aujourd'hui, il s'intéresse à l'approche pharmacologique pour augmenter le taux et l'activité des lipoprotéines de haute densité - le HDL, ou bon cholestérol - et réduire l'inflammation de la paroi artérielle; à des approches d'avant-garde en matière d'imagerie pour évaluer avec précision les plaques d'athérosclérose; aux biomarqueurs, notamment la fonctionnalité et la composition des HDL pour évaluer le risque cardiovasculaire et les réponses aux thérapies contre l'athérosclérose. Déjà en 1997, il parlait des antioxydants pour traiter la récidive de blocage des artères. Rappelons quel'athérosclérose, outre l'accumulation de gras et de cellules qui obstruent les artères, c'est aussi une maladie inflammatoire de la même ampleur que l'arthrite.

Que peut-on faire? Ce sont les conseils habituels. Surveiller l'obésité et le diabète, lutter contre la malbouffe, le tabagisme, la sédentarité, etc.

La mort peut attendre

On dit souvent que, au moment d'une émotion forte, on porte la main à son coeur. Cette émotion, en dépit d'une carapace indispensable, Jean-Claude Tardif la ressent chaque fois qu'un être jeune disparaît à la suite d'un problème cardiaque. «Nous devenons meilleurs de jour en jour pour détecter les risques de mort soudaine. Mais pas infaillibles encore. Le coeur est fascinant. S'il ne marche pas, on n'est pas là, explique-t-il, laconique. Le coeur est le centre de la personne, c'est un très beau moteur.»

Cette passion pour ce qu'il fait en recherche et surtout en prévention est présente dès son réveil, car il croit en l'avenir, aux résultats positifs de ses recherches. Mais rien ne vient sans travail, dit-il, une valeur familiale acquise dans l'enfance et qui maintient vives son ardeur et sa détermination.

Né à Saint-Vincent-de-Paul, cadet chouchouté d'une famille de trois enfants, il se souvient d'une image accrochée au mur illustrant une fable de Jean de La Fontaine: Le laboureur et ses enfants. Elle a inspiré manifestement le petit écolier et, plus tard, l'étudiant qui a collectionné les succès scolaires.

Marié depuis 20 ans, la cellule familiale est l'unité de base de ce perfectionniste, cérébral et pourtant empathique avec ses malades, plus enclin à bâtir aujourd'hui une mission importante, des travaux de près d'une vingtaine d'années entrepris depuis son postdoctorat en recherche à Boston: «J'ai l'énergie, le goût, la capacité de faire des choses», explique-t-il.

Il cherche à mieux comprendre ce coeur battant dont les artères malheureusement se durcissent et se bouchent parfois, mettant en péril des vies humaines. II remet donc à plus tard les cours d'oenologie, la pratique du piano pour laquelle il était pourtant doué dans sa jeunesse.

Avec sa science et sa créativité, armé d'une immense volonté et de l'ambition d'ouvrir des voies nouvelles, de créer une brèche significative dans la connaissance et le traitement des maladies cardiovasculaires, le Dr Jean-Claude Tardif souhaite changer la pratique de la médecine. On fait déjà beaucoup de choses au chevet de nos malades.

Il faudrait faire plus. Une véritable révolution!