Une petite idée deviendra grande si on y met de l'audace et de la persévérance. Johanne Boivin est un exemple vivant de ce que ces qualités au bout du compte peuvent générer: un joli succès en affaires malgré les habituels écueils, les périodes de découragement, mais aussi l'exaltation légitime liée à la croissance d'une entreprise qu'on a mise au monde.

Diffusions Joanel, c'est elle. Une entreprise de création de sacs à main qui a pris, après 16 ans de travail, une place enviable dans l'industrie de la mode. Johanne Boivin crée les marques Ugo Santini, Mouflon et Joanel. Plus d'un quart de million de ses sacs se retrouvent à la main, au dos ou à l'épaule des femmes d'un océan à l'autre de même qu'à l'étranger. Parmi sa clientèle, le Cirque du Soleil, Brown, FX Lasalle, pour ne nommer que ceux-là. Elle crée également une collection de sacs à main pour le couturier Simon Chang.

 

Johanne Boivin vient de remporter le prestigieux prix Femmes d'affaires du Québec dans la catégorie Entrepreneure, grande entreprise. Mais ce n'est pas son premier prix. Au début de l'année, elle a été lauréate de deux Dunamis, décernés par la chambre de commerce et d'industrie de Laval. L'Association de bagagerie LLHA lui a aussi remis son prix Fournisseur de l'année. Enfin, au moment de mettre sous presse, on apprend que Laval vient de lui décerner le prix du Conseil de la culture 2008 pour la conservation et la préservation du patrimoine. Son bâtiment est géothermique. La Presse et Radio-Canada ajoutent à ce palmarès le titre de Personnalité de la semaine.

L'énergie créatrice

La première condition d'une réussite, peu importe le secteur d'activité choisi: «Se lever le matin et avoir envie de faire des choses», dit-elle. La passion du travail bien fait, à la perfection même, module le reste de sa journée. Cette exigence vaut d'abord pour elle-même. Avec une équipe de 25 personnes, la main de fer dans un gant de velours témoigne des deux aspects de sa personnalité, qu'elle décrit elle-même: rationnelle et artistique. Elle pourrait ajouter: l'intuition et l'écoute, qui sont les deux clés de voûte des Créations Joanel. Négocier, se faire respecter dans ce milieu, exige une certaine diplomatie qui permet de créer de belles relations d'affaires. «L'écoute m'a toujours bien servie: écoute des clients, mais d'abord de mes petites voix intérieures, qui ne m'ont pas trahie jusqu'ici.»

Pour nourrir une inspiration qui ne se dément pas depuis 16 ans, il y a la visite des expositions internationales, notamment en France et en Italie, la poursuite inlassable des grandes tendances en mode, la recherche de matériaux inspirants. Parfois, il lui suffit de caresser un beau cuir embossé ou imprimé pour qu'une partie de la prochaine collection se mette en place dans sa tête. De retour à Laval, elle installe ses fragments d'idées sur la grande table et marie ensemble comme un casse-tête les différents éléments qui mèneront au prototype. «Je suis émue chaque fois que je croise une femme qui porte un de mes sacs. C'est l'incarnation de mes propres coups de coeur, de mon inspiration.»

Depuis 1991, année de la fondation de son entreprise, les choses n'ont cessé d'évoluer. Au départ, avec seulement 5000$ de mise de fond, elle devait avoir confiance. «J'ai bâti tranquillement cette confiance en moi-même», admet-elle. Sans jamais mettre de côté les valeurs humaines et les principes de vie auxquels elle croit.

L'équilibre

À 50 ans, elle réfléchit à cette étape importante de sa vie pour se réapproprier une certaine légèreté qui a fait défaut à la bâtisseuse en elle. Durant la prochaine année, elle veut cultiver l'équilibre. «Déléguer, faire confiance, supporter les erreurs d'autrui, entretenir un réseau, redonner par l'humanitaire une partie de ce que j'ai reçu.»

Native de Montréal elle est la troisième d'une famille de quatre enfants. C'est dans ce clan qu'elle a acquis un vrai sens de la famille et de la solidarité. «Mes parents sont avec moi dans l'entreprise depuis le début.» À 14 ans, elle travaille pour assurer son autonomie. Le commerce est déjà inscrit dans ses gènes puisque ses parents l'y ont précédée. «Je me souviens que, toute petite, j'avais découpé des réglisses en petits morceaux que je revendais autour de moi», raconte-t-elle en riant.

Danseuse de ballet-jazz, elle tient une école de danse durant une dizaine d'années au cours desquelles elle peaufine ses talents de pédagogue et son leadership. Au cours des années, elle a connu plusieurs ennuis de santé qu'elle met sur le compte d'un stress mal géré. Mais surtout d'une sensibilité à fleur de peau contre laquelle elle n'avait pas érigé de barrière. On doit apprendre à se tenir debout, se faire respecter.

Voilà pourquoi aujourd'hui elle songe à rééquilibrer son énergie. L'un de ses trucs pour évacuer le stress est l'entraînement physique rigoureux auquel elle s'astreint une heure par jour. Est-ce que le contexte économique mondial l'inquiète? «Pas du tout, assure-t-elle, il nous rend plus imaginatifs, plus productifs, nous encourage à ouvrir d'autres marchés.»

Johanne Boivin va permettre à sa nature généreuse, qu'elle avoue humblement être sa première qualité, de se déployer dans les oeuvres qui s'occupent de pauvreté, en particulier chez les femmes. «Je suis une femme choyée. Heureuse au travail, dans ma vie personnelle. Je dois redonner.» Elle tient à souligner qu'elle admire Lise Watier. «Comme elle, j'ai appris que la meilleure façon de réussir est de viser haut. Dans ce cas, on ne peut que monter.»