La découverte d'un point dur, d'une bosse même discrète au sein plonge la femme dans un profond désarroi, voire dans la panique. Les statistiques, si elles ne disent pas tout, sont tout de même éloquentes. Le cancer du sein est la première cause de décès chez les femmes de 35 à 54 ans. Une sur neuf recevra un diagnostic de cancer du sein. Une sur 27 en mourra.

Une bosse, même minuscule, fait donc basculer le ça-n'arrive-qu'aux-autres dans l'univers glauque de l'inquiétude: pourquoi moi? Il faut pourtant regarder de l'autre côté du miroir pour reconnaître les victoires nombreuses des médecins et des chercheurs qui traquent l'ennemi. Le Dr André Robidoux est directeur du Groupe de recherche en cancer du sein (GRCS) du Centre de recherche du CHUM, mis sur pied en 1980. Il réunit 18 chercheurs cliniciens et professionnels de la santé dont la mission est de diminuer le taux de mortalité grâce à un programme de recherche axé sur la prévention et le traitement. La Presse/Radio-Canada ont choisi le Dr André Robidoux, leader de ce groupe dont la compétence dépasse nos frontières, comme Personnalité de la semaine.

 

Un vieil ennemi

Ce sont ces médecins du GRCS que Janette Bertrand et sa fille Dominique ont consultés en 2006 lorsqu'on a découvert qu'elles étaient atteintes toutes les deux du cancer du sein. Leur témoignage récent, empreint d'émotion, est d'abord un cri du coeur lancé aux femmes pour qu'elles passent une mammographie. C'est aussi la reconnaissance des soins exceptionnels offerts par le Groupe de recherche en cancer du sein, qui leur a évité notamment des traitements mutilants et douloureux. «Je dois rappeler que c'est grâce aux femmes elles-mêmes que la recherche continue à faire des progrès. Grâce au courage de toutes ces femmes qui posent des questions et nous forcent à donner des réponses», dit le Dr Robidoux.

Pour ce chirurgien oncologue qui a consacré toute sa vie professionnelle à la lutte contre le cancer du sein, les petits pas mènent au fil des années à de véritables victoires bien que le nombre de cancers augmente (6000 par année), à cause notamment du vieillissement de la population. «En 10 ans, on a réussi à éviter l'ablation du sein. Après 20 années de recherche, on peut désormais opérer un cancer du sein jadis inopérable. Et durant ce même nombre d'années, on a pu réduire le taux de décès, qui est passé de 50% à 25% des personnes atteintes. Mais il faut, pour assurer la pérennité du Groupe de recherche, le soutien financier de toute la population.»

L'objectif de la première campagne de financement du Groupe est de 10 millions. Il faut souligner que l'équipe interdisciplinaire a permis au GRCS de devenir la première au Québec à être désignée «de niveau quatre», qui constitue la plus haute distinction dans les domaines de la recherche, de l'enseignement et des soins.

Une lutte inachevée

«Les succès se bâtissent progressivement. On va continuer à se battre jusqu'à ce qu'on ait trouvé la cause du cancer.» Au temps des Romains, rappelle le Dr Robidoux en souriant, l'espérance de vie était de 25 ans. Il ajoute: «En 100 ans, l'espérance de vie des femmes est passée de 44 à 80 ans!»

Sa mère, une belle-soeur, quelques tantes sont mortes du cancer du sein. Voilà sur le plan personnel une motivation suffisante pour prendre les armes. «J'ai toujours rêvé, même enfant, d'être médecin», confie le Dr Robidoux. L'oncologie l'attirait et, sur le plan professionnel, le cancer du sein, à cause de sa grande diversité biologique. Natif de Sorel, il était l'aîné de sept enfants âgés de 4 à 18 ans au décès de son père, dont il a pris le rôle de chef de famille. «Je tiens de ma mère la persévérance et de mon père la créativité.» Au moment de ses études spécialisées aux États-Unis, il a été inspiré par son mentor, le Dr Bernard Fisher, une sommité mondiale en cancer du sein, qui a changé non seulement les traitements, mais le concept même de cette maladie systémique.

Entré à l'Hôtel-Dieu de Montréal au début de sa carrière, le Dr Robidoux y a planté ses racines jusqu'à aujourd'hui. À 60 ans, il a soigné plus de 4000 patientes. Ses yeux ne peuvent cacher sa grande passion, son opiniâtreté, sa sympathie.

«Sur le terrain, je suis un homme simple», tient-il à souligner, pour dire d'abord et avant tout qu'une patiente mérite toute sa science, certes, mais aussi sa compassion. «On s'attache aux patientes, qui, en retour, sont reconnaissantes. J'y puise une grande satisfaction.» Les moments où il décroche de sa mission sont rares, et il se consacre alors à la vie de famille, à l'opéra, à la cuisine italienne.

Ce qui lui sert de carapace devant l'issue irréversible du cancer chez certaines patientes, c'est la conviction profonde qu'on aura un jour la réponse à toutes les questions. Peut-être même un vaccin pour éradiquer à jamais ce fléau.