Une enquête a été déclenchée à l'hôtel de ville de Montréal pour découvrir qui, outre le chef de police Marc Parent, pourrait avoir remis en doute le bilan du directeur général Guy Hébert en matière de lutte contre la collusion et la corruption. Comme dans un thriller d'espionnage, les courriels et les appels téléphoniques de cadres suspects ont été passés au peigne fin. Et l'homme lancé aux trousses des dissidents se nomme Bond - Alain Bond, contrôleur général de la Ville.

En décembre dernier, des reportages ont fait état de mesures anticollusion et anticorruption modifiées, remplacées ou annulées, car elles étaient jugées inefficaces depuis l'entrée en fonction de Guy Hébert, il y a un peu plus d'un an.

M. Hébert avait expliqué que les changements techniques visaient à rendre la machine plus efficace et les gestionnaires plus responsables. Mais sous le couvert de l'anonymat, plusieurs cadres avaient confié à des journalistes qu'ils étaient inquiets de voir Montréal «revenir en arrière» dans la lutte contre la collusion et la corruption.

Peu après, trois plaintes auraient été acheminées à la Ligne éthique de la Ville pour dénoncer ces sources confidentielles et leur «déloyauté».

Autrefois gérée de façon indépendante par le vérificateur général, la Ligne éthique relève maintenant du contrôleur général Alain Bond, un fonctionnaire placé sous l'autorité du directeur général Guy Hébert. Bond, qui est chargé de veiller au respect de l'éthique à la Ville, est parti à la chasse aux contestataires.

«La Ville de Montréal confirme qu'à la suite de dénonciations [...] une enquête indépendante du contrôleur général a été réalisée», a déclaré le porte-parole de la Ville, Gonzalo Nunez, dans un courriel.

La loyauté mise en cause

«Cette enquête indépendante du contrôleur a démontré un manquement sérieux à l'obligation de loyauté et de confidentialité de l'employé à l'égard de son employeur, la Ville», poursuit M. Nunez. Selon lui, «la preuve a été établie» par l'entremise des relevés d'appels du téléphone de l'employé, qui démontreraient qu'il a critiqué «publiquement et sous le couvert de l'anonymat» son supérieur en parlant à un média dans le cadre d'un reportage sur la collusion et la corruption.

On ignore pour l'instant les conséquences pour la personne visée. Une autre personne aurait par ailleurs été interrogée, selon M. Nunez. Leurs identités n'ont pas été divulguées.

«On ne parle pas ici du whistleblower typique qui dénonce des irrégularités, on parle d'une personne qui est dans un conflit de travail avec son employeur», affirme M. Nunez.

Vendredi, lorsque la Fraternité des policiers a demandé le congédiement immédiat de Guy Hébert pour son ingérence dans les affaires du service de police, le responsable de la sécurité publique au comité exécutif, Christian G. Dubois, a aussi attribué la situation à un simple conflit de travail causé par un changement aux horaires de travail des policiers.

«Aucune chasse aux sorcières»

La Presse a révélé vendredi comment la police de Montréal a entrepris des vérifications sur son propre patron, le directeur général Guy Hébert, en lien avec une plainte de favoritisme dans l'attribution d'un contrat de systèmes de communication d'urgence.

Le chef de police Marc Parent a fait part de certaines inquiétudes à ce sujet au contrôleur Alain Bond. Guy Hébert a été mis au courant, et sa réplique a été cinglante: il a monté un dossier contre son chef de police et tenté d'obtenir sa tête. M. Hébert doit revenir de vacances aujourd'hui et s'expliquer à ce sujet. En coulisse, la tension est palpable.

«Tout le monde est terrorisé. On est encouragé à dénoncer, mais dans la chaîne alimentaire, tu peux dénoncer seulement jusqu'à un certain niveau. Tu peux dénoncer ton voisin, mais pas le boss», déplore une source bien placée dans l'appareil municipal.

«Effectivement, c'est la chasse», renchérit un autre cadre qui a entendu parler de l'enquête.

Mais la Ville se défend vigoureusement. «Il n'y a aucune chasse aux sorcières, une telle affirmation vise à nous prêter une intention que nous n'avons pas. Veuillez noter que si vous faites une telle affirmation, vous nous verrez dans l'obligation de prendre les mesures appropriées auprès de votre journal», a prévenu Gonzalo Nunez dans un courriel.