Les travaux de reconstruction du rond-point Dorval, dans l'ouest de l'île de Montréal, vont s'étirer au moins jusqu'en 2019 et devraient coûter plus de 500 millions, une hausse de 126% par rapport aux coûts prévus il y a moins de quatre ans.

Des déficiences majeures sur le plan de la définition du projet, une mauvaise évaluation des difficultés liées à sa réalisation, de même que l'absence de «personnes qualifiées et responsables à des postes clés» et d'une structure de gestion cohérente pour concilier les intérêts des nombreux partenaires liés au projet, font partie des facteurs expliquant le fiasco du ministère des Transports du Québec (MTQ).

Lancé officiellement en 2009, après plus de quatre ans de planification, ce projet devait être terminé en 2012 à un coût de 224 millions. En 2010, le projet a été scindé en deux parties afin de donner la priorité à la construction d'un lien direct entre l'autoroute 20 et l'aéroport international Montréal-Trudeau, à Dorval. Le MTQ prévoyait alors que ce lien serait achevé cette année, tandis que le reste des travaux serait terminé pour 2015 ou 2017.

Aujourd'hui, on ne prévoit plus achever la route de l'aéroport avant 2015. Les hautes structures construites depuis 2009, de part et d'autre des voies ferrées du CN et du CP qui traversent l'ensemble du chantier du MTQ, vont ainsi continuer à pointer vers le ciel pendant encore au moins deux ans, avant que l'on puisse construire les ponts qui doivent, un jour, les relier.

Quant au volet ferroviaire de ce projet très complexe, dont le MTQ semble avoir cruellement sous-estimé la difficulté, il est «suspendu», en attendant une nouvelle entente avec les sociétés de chemin de fer qui ont un droit de vie ou de mort sur le projet.

Cette révision du dossier d'affaires final (DAF) du volet ferroviaire a été ordonnée par le Conseil du Trésor en 2011. Selon un rapport produit en novembre dernier par les firmes Secor et KPMG, il n'est pas certain que le DAF soit soumis à l'approbation du Conseil des ministres d'ici la fin de l'année. Le volet ferroviaire représente presque la moitié des coûts du projet, aujourd'hui estimés à 507 millions.

Ce coût et l'échéancier final de 2019 sont d'ailleurs mentionnés «à titre indicatif». «Le coût final du projet ne pourra être confirmé qu'une fois les travaux et les analyses du DAF ferroviaires complétés», indiquent les auteurs du rapport Secor-KPMG, commandé par Infrastructure Québec à la suite de nombreux dépassements des coûts dans les grands projets d'infrastructures.

Absence de contrôle

Le vieux rond-point Dorval était un carrefour désuet et encombré par la congestion routière. Les ponts et structures de l'échangeur étaient également en piteux état et la sécurité des automobilistes était compromise par les entrecroisements de la circulation locale et du trafic généré par la présence de l'aéroport.

Dès 2005, le MTQ présente une nouvelle configuration qui permet de séparer la circulation locale de celle de l'aéroport. Pour ce faire, le tunnel existant sous les voies ferrées doit être élargi et de nouveaux liens routiers sont ajoutés pour relier directement les autoroutes 20 et 520 à l'aéroport international. Le projet prévoit un élargissement du couloir ferroviaire qui traverse tout le secteur, pour favoriser le passage des trains de passagers de Via Rail et de l'Agence métropolitaine de transport (AMT).

Deux ponts sont prévus pour relier directement l'A20, au sud des voies ferrées, et l'aéroport de Dorval, situé du côté nord. Les structures d'approche de ces deux ponts sont construites dès 2009 et une entente est signée avec le CN et le CP pour la construction des ponts au-dessus des voies ferrées en 2010.

Le projet déraille dans les mois qui suivent. L'expropriation de terrains, au nord des voies ferrées, se complique en raison des contestations juridiques des propriétaires de deux hôtels situés près de l'aéroport. Le CP, pour des raisons qu'il n'a pas été possible de connaître, se retire ensuite de l'entente ferroviaire. Aéroports de Montréal (ADM) et l'AMT, qui planifiaient ensemble la création d'une navette aéroportuaire et d'un service amélioré de trains de banlieue, se querellent sur la place publique et consomment le «divorce» de leurs projets respectifs à la fin de 2010. L'absence de consensus sur l'emplacement d'une gare intermodale, qui serait utilisée par Via, l'AMT et la Société de transport de Montréal, vient encore compliquer le dossier.

Entre temps, deux révisions budgétaires menées à l'interne par le MTQ font exploser les coûts du projet qui passent en quelques mois de 224 à 343 millions (une autre hausse de 53%).

À ces facteurs externes, sur lesquels le MTQ a peu de contrôle, s'ajoutent plusieurs lacunes internes, relevées par le rapport Secor-KPMG. Mal défini, le projet est «révisé» à maintes reprises, pendant que les travaux se poursuivent. Malgré les 10 partenaires associés au projet, il n'existe pas de structures, tel un bureau de projet, pour coordonner les doléances des uns et des autres. Les outils de gestion pour le contrôle des coûts et le suivi budgétaire du projet sont absents ou insuffisants.

Devant les dépassements des coûts et des échéanciers, le Conseil du Trésor suspend l'attribution de tout nouveau contrat en novembre 2011 et demande au MTQ de réaliser deux dossiers d'affaires finaux distincts pour les volets routier et ferroviaire du projet. Le premier est en révision, le second ne sera pas terminé avant la fin de 2013.