La section des agents d'infiltration du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est encore plongée dans la tourmente. Sa hiérarchie vient d'être décapitée et plusieurs syndiqués ont été mutés, alors que l'enquête interne sur des dérapages survenus lors d'une formation n'est même pas achevée, a appris La Presse. De nouvelles allégations planent également sur certains membres de cette escouade, qui fonctionnerait désormais au ralenti.

Le chef de police Marc Parent a été rapide à la détente - un peu trop, au goût de certains. L'inspectrice qui chapeautait cette équipe d'agents d'infiltration (ou agents doubles) ciblée par une enquête interne a été rétrogradée - mesure rarissime - au poste de commandante. Cette policière, qui semble appréciée par ses collègues, a été affectée à des tâches administratives au quartier général de la rue Saint-Urbain.

La purge, qui suscite stupeur et grincements de dents, selon nos sources, touche également la commandante de l'unité, mutée elle aussi au quartier général, loin du terrain.

Enfin, trois agents d'infiltration syndiqués auraient aussi été mutés.

«L'enquête a débuté à la suite d'allégations d'inconduite. Avant même que celle-ci soit achevée, la direction a déplacé des gens», s'est borné à indiquer le commandant Ian Lafrenière. Il n'a pas voulu donner plus de détails ni confirmer les noms des personnes visées.

Section paralysée?

À l'interne, certains affirment que Marc Parent veut faire passer le message que tout le monde, «autant cadre que syndiqué, est imputable».

Mais d'autres s'inquiètent des conséquences sur le terrain de ce qui est perçu comme une chasse aux sorcières basée sur des allégations. Cela a pour effet de «paralyser» cette section, dont le rôle est pourtant essentiel.

Toute cette affaire a débuté en novembre 2012 dans un bar de Montréal. Plusieurs agents doubles dits full patch étaient réunis avec un jeune aspirant. Selon ce dernier, une jeune collègue lui a d'abord baissé le pantalon et a «manipulé son sexe pour voir de quelle façon il réagirait», a raconté àLa Presse une source digne de foi.

Il a aussi affirmé qu'on l'avait forcé à «caler cinq bières, puis à prendre le volant et à traverser l'île en auto».

L'aspirant n'a pas tardé à porter plainte aux enquêteurs des affaires internes du SPVM, notamment pour agression sexuelle.

Avisé du dossier, le chef de police Marc Parent a ordonné une enquête et le déplacement immédiat de policiers de cette équipe.

Nouvelles allégations

Or, selon nos sources, de nouvelles allégations se sont ajoutées aux dérapages évoqués plus haut. On serait à examiner les notes d'allocations vestimentaires de ces agents doubles, probablement ceux qui ont été mutés, car on soupçonne des irrégularités.

L'épisode de novembre 2012, s'il se confirme, rappelle un autre scandale survenu en 2004 dans les locaux de l'unité, rue Hochelaga. Une séance d'initiation avait alors dégénéré en beuverie. Des aspirants avaient été forcés à boire au point d'en être malades; leurs collègues féminines avaient été «invitées» à se déshabiller, un préalable à leur embauche, leur avait-on dit.

Il y aurait une quinzaine d'agents doubles dans la police à Montréal. En raison des risques qu'il courent, leur mandat est plutôt bref - deux ans en moyenne. Ils ont pour mission principale d'infiltrer les groupes criminels. Ce métier particulier exige d'avoir des nerfs solides et de savoir se «décontaminer» - pour employer le jargon - de sa fonction de policier. Forcément, les agents doubles marchent  en permanence sur la corde raide. Les risques de dérapage sont donc plus importants, font remarquer les habitués du milieu.