Trois ans après la création de l'escouade Marteau au sein de la Sûreté du Québec, au tour de la Ville de Montréal d'affecter des enquêteurs exclusivement à la lutte contre la collusion et la corruption. 

Le nouveau maire de Montréal, Michael Applebaum, a fait cette annonce ce matin à l'hôtel de ville. La nouvelle escouade sera baptisée EPIM (escouade de protection de l'intégrité municipale). Ses membres ne se limiteront pas au secteur de la construction puisqu'ils ont reçu «carte blanche» pour scruter tous les services municipaux.

L'effectif provient du SPVM, mais l'EPIM disposera d'un budget spécial de 3 millions accordé directement par la Ville de Montréal.



«J'ai un message très important à lancer à tous les profiteurs et magouilleurs qui veulent voler nos contribuables: vous avez maintenant un nouvel obstacle devant vous. Avant d'essayer de frauder Montréal, pensez-y à deux fois», a lancé Michael Applebaum.

L'escouade EPIM sera «autonome, indépendante et aura carte blanche», a tenu à assurer le maire. «Personne n'est intouchable. Les policiers pourront enquêter sur tous les dossiers de la Ville de Montréal. Que ce soit les transactions immobilières ou des contrats d'informations, l'achat des pantalons des pompiers ou les contrats d'infrastructures.»

Présentée comme une «police d'assurance supplémentaire», l'EPIM ajoutera ses efforts à ceux de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), créée à l'automne 2009 par la Sûreté du Québec. Rappelons que son escouade Marteau, le printemps dernier, a arrêté l'ex-président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino, et un important entrepreneur de la métropole, Paolo Catania.

Montréal annoncera en outre la semaine prochaine la composition du comité-conseil chargé de réviser les règles d'adjudication des contrats de la Ville, dont le rapport est attendu en juin.

Confiant en l'efficacité de ses enquêteurs, le chef du SPVM, Marc Parent, estime même que le travail d'EPIM pourrait mener à des arrestations d'ici la fin de 2013. Il n'a toutefois pas précisé si des enquêtes étaient déjà en cours dans l'administration municipale.

Michael Applebaum a par ailleurs révélé que les enquêteurs de la commission Charbonneau avaient demandé mardi à le rencontrer cet après-midi à l'hôtel de ville. L'ancien bras droit de Gérald Tremblay, qui a quitté son parti avec fracas pour devenir maire intérimaire jusqu'au mois de novembre prochain, a indiqué qu'il ne dévoilera pas les sujets abordés à cette rencontre afin de ne pas nuire aux enquêtes en cours. «Tout ce que je peux dire, c'est que si je peux aider d'une quelconque façon à contrer la corruption et la collusion, je vais le faire.»

Annonce saluée

La création de l'escouade EPIM a reçu un accueil unanimement favorable, et plusieurs ont salué le rôle de Michael Appllebaum. Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, en a accordé tout le crédit au nouveau maire, même si les deux partis de l'opposition réclamaient l'intervention du SPVM depuis deux ans. «C'est une chose de le demander, mais ça prend un maire pour le faire.»

Richard Deschamps, chef d'Union Montréal (le parti de l'ex-maire Gérald Tremblay) a lui aussi vu d'un bon oeil la création de l'escouade. «Toute action posée pour protéger l'argent des contribuables est la bienvenue.» Il estime que Michael Applebaum, en poste depuis deux mois, aurait pu agir plus rapidement, mais il a défendu le refus de son parti de créer une telle unité alors qu'il était au pouvoir. Selon lui, c'est seulement avec les révélations de la commission Charbonneau, à l'automne, qu'on a compris l'ampleur du problème.

Le conseiller Gaétan Primeau, de Vision Montréal, a toutefois rappelé que son parti réclame depuis deux ans la mise à contribution du SPVM, mais que ses motions ont toujours été rejetées par l'administration Tremblay.

Mieux vaut tard que jamais, a quant à lui déclaré le président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur. «Franchement, ce n'est pas trop tôt. Mais il faut donner le crédit au maire Applebaum. Depuis 2009, la Fraternité dit que les enquêteurs du SPVM doivent être mis à contribution le plus possible dans la lutte contre la corruption et la collusion. La création d'une unité montréalaise est une idée qu'on soutient depuis longtemps et on ne peut que se réjouir.»