La banlieue nord de Montréal devra prendre son mal en patience. L'autoroute 19 ne sera prolongée qu'en 2020, cinq ans plus tard que prévu. Et la facture du projet grimpe de 100 millions, une hausse de 30%.

«Je tombe en bas de ma chaise!», a lancé le maire de Bois-des-Filion, Paul Larocque, lorsque La Presse l'a informé du nouvel échéancier. Il est le président de la Coalition pour le parachèvement de l'autoroute 19. «En 2020... Je reçois ça carrément comme si on ne faisait pas le projet», a-t-il ajouté.

Le gouvernement Marois assure que le projet est toujours dans les cartons. Il jette le blâme sur les libéraux, dont l'échéancier des travaux et l'estimation des coûts étaient irréalistes, selon lui.

«Comme dans bien des situations, on s'aperçoit que c'est un projet qui a été annoncé par le précédent gouvernement mais qui n'était pas planifié et budgeté. Ça me donne le goût de crier et de m'arracher les cheveux», a déclaré le ministre des Transports et des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault.

L'ex-premier ministre Jean Charest avait lui-même annoncé, le 21 juin 2010, le parachèvement de l'autoroute 19 entre les autoroutes 440 à Laval et 640 à Bois-des-Filion, un tronçon d'une dizaine de kilomètres.

À l'heure actuelle, dans ce secteur, l'autoroute 19 se transforme en route locale (la 335), ce qui cause des embouteillages. Environ 60 000 véhicules y circulent chaque jour, un débit équivalent à celui de l'autoroute Bonaventure. Le projet vise à faire de la route 335 une autoroute à quatre voies, plus deux autres réservées aux transports collectifs.

«C'est un projet attendu qui soulagera un problème de congestion important», avait dit la ministre des Transports Julie Boulet, en juin 2010. Le gouvernement Charest estimait à environ 310 millions le coût du chantier, qui devait prendre fin en 2015.

En juin dernier, peu de temps avant le déclenchement des élections, le titulaire des Transports, Pierre Moreau, «a réitéré l'engagement du gouvernement à réaliser les travaux [...] dans les délais prévus», en 2015, avait écrit Le Courrier de Sainte-Thérèse.

Or, selon Sylvain Gaudreault, «les libéraux savaient déjà depuis quelque temps que ça ne serait pas faisable pour 2015». Il y a eu des retards dans la préparation de l'avant-projet et l'évaluation environnementale, par exemple. Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement doit encore se pencher sur le projet, «un processus d'environ deux ans», estime M. Gaudreault.

Au moins 408 millions

Les plans doivent également être revus. Les libéraux avaient planifié le projet sans prévoir la construction d'un nouveau pont pour enjamber la rivière des Mille Îles, parallèle à l'actuel pont Athanase-David. Sans cette structure, la nouvelle autoroute 19 serait passée de six à quatre voies sur le pont Athanase-David, si bien que les autobus auraient perdu les deux qui leur sont réservées. «Personne ne va dire que c'est un bon projet sans ce pont», estime Paul Larocque.

La construction d'un pont fait gonfler la facture. Les coûts ont également augmenté avec l'ajout, sur une partie de l'autoroute 640, de bretelles d'accès et de voies qui n'étaient pas prévues au départ. Le projet coûtera au moins 408 millions, estime le gouvernement Marois. M. Gaudreault vise désormais une inauguration en 2020. Il note que le projet ne figurait même pas au Plan québécois sur les infrastructures (PQI) préparé par le gouvernement Charest. Il présentera son propre PQI au début de l'année qui vient.

«Je comprends très bien la population de cette région, les Basses-Laurentides et Laval, pour qui ce projet est une priorité. Il va falloir qu'on trouve une manière de l'insérer [dans le PQI]. Et je sais que des collègues [du Parti québécois] en ont fait un engagement électoral fort dans leur région. Il faut qu'on s'organise pour le faire éventuellement. Mais là, il faut trouver les budgets», a expliqué le ministre.

Paul Larocque a rencontré des représentants du ministère des Transports il y a un mois. «On me disait que le dossier cheminait», se souvient-il. Mais il a perçu à l'occasion, dans les derniers mois, que les choses ne tournaient pas rond. «J'ai trouvé qu'à l'époque du gouvernement Charest, c'était très difficile d'avoir de l'information. On en demandait, mais il y avait des réticences. On sentait qu'il manquait une certaine transparence. Est-ce que c'est parce que le dossier n'avançait pas?», se demande-t-il.