Dans un monde idéal, l'ex-maire de Montréal aurait quitté la vie politique en 2017, l'année des 50 ans de l'Expo 67 et du 375e anniversaire de la métropole.

Après les révélations dévastatrices qui ont été faites devant la commission Charbonneau, Gérald Tremblay avait réduit ses ambitions et il aurait annoncé sa démission le 2 novembre dernier devant la chambre de commerce du Montréal métropolitain. Or, le discours n'a jamais été prononcé, et abattu, M. Tremblay a quitté son poste le 5 novembre. Cette ultime présentation, il a tenu à la donner à deux quotidiens qui ont suivi sa carrière à la trace, La Presse et Le Devoir, qui en publient aujourd'hui des extraits.

Créer de la richesse pour mieux la partager. Rénover une métropole négligée pour la rendre plus agréable à vivre. Ces deux principes, c'est le testament politique qu'aurait souhaité faire l'ex-maire de Montréal, Gérald Tremblay, à la conférence qu'il devait prononcer le 2 novembre devant la chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Dans une présentation PowerPoint de 35 pages intitulée Une vision commune qu'il aurait commentée en se fiant à quelques notes, M. Tremblay se vante d'entrée de jeu d'avoir «donné la parole aux citoyens». En instituant un ombudsman, en rédigeant la Charte montréalaise des droits et responsabilités, il estime avoir rempli l'une des demandes exprimées au Sommet de Montréal, en 2002, pour une métropole démocratique et transparente.

Le reste est à l'avenant et dresse un portrait enthousiaste des années Tremblay. Aucune mention de la collusion et de la corruption qui ont causé sa chute, mais un rappel que les investissements dans les infrastructures n'ont jamais été aussi élevés qu'à partir de 2001. «Nous avons embelli et verdi notre ville», peut-on lire. Quartier des spectacles, Technopole de la santé, Havre de Montréal, «nous menons de grands projets», assure l'ex-maire.

La chasse aux «spaghettis de béton»

En ce qui concerne le fardeau fiscal, et malgré les hausses douloureuses des trois dernières années, il trace un bilan positif de son règne. De 2001 à 2013, les charges fiscales globales ont augmenté de 19,9% - c'est moins que l'inflation, qui s'est établie à 26,2% pendant cette période. En matière de réfection des infrastructures, l'ex-maire se réjouit d'avoir transformé des «spaghettis de béton en carrefour urbain», comme dans le cas de l'échangeur Des Pins.

Lui qui a pris le pouvoir au moment où la construction de logements sociaux était au neutre se félicite d'avoir permis l'érection de 15 000 unités entre 2002 et 2014, date de fin des projets en cours.

Une autre des réalisations peu connues du grand public est mise de l'avant dans cette présentation: celle d'avoir réussi à faire de la Communauté métropolitaine de Montréal, présidée par le maire de Montréal, une instance qui «parle d'une seule voix». Créée en janvier 2001 pour coordonner l'évolution des 82 municipalités de la grande région montréalaise, la CMM a souffert pendant une décennie d'un manque flagrant de légitimité. Pour la première fois depuis 1967, elle a réussi en décembre 2011 à imposer un plan qui offrait une réelle vision d'aménagement.

Cette réalisation, les observateurs de la scène municipale le savent, était une des plus grandes fiertés de l'ex-maire Tremblay. Dans sa présentation, il souligne que ce plan d'aménagement permet d'implanter «des milieux de vie favorables», favorise un «environnement protégé et mis en valeur» et donne un coup de pouce au financement des réseaux de transports.

Un nouveau pacte

Évidemment, un bilan des années Tremblay se doit de rappeler l'existence des grappes industrielles, dont l'ex-maire était l'un des plus ardents promoteurs depuis son passage au ministère de l'Industrie dans le gouvernement Bourassa, au début des années 90. Le document en met quatre en vedette, dont la logistique, le cinéma et les sciences de la vie.

Comme il l'a répété à toutes les occasions dans les dernières années de son mandat, Gérald Tremblay rappelle que la métropole a besoin de nouvelles sources de financement grâce à un nouveau partenariat financier et fiscal. Un projet concret illustre l'absurdité de la situation actuelle: le pôle L'Assomption, à la sortie du port de Montréal, dans l'Est. En y investissant 252 millions, Québec s'assure de retombées fiscales équivalentes en 20 ans. Montréal, qui y contribue pour 126 millions et ne profite que de la hausse des valeurs foncières, ne reverra que la moitié de son argent.

Pour l'ex-maire, ce nouveau pacte fiscal doit permettre de mieux partager les retombées des grands projets. Il souhaitait créer un fonds métropolitain d'aménagement et de développement qui aurait permis de trouver le financement nécessaire.

Comme il l'a souligné à maintes reprises dans les dernières années, une grande ville comme Montréal a hérité de responsabilités sociales, notamment en matière d'itinérance, de toxicomanie et de logement, bien plus larges que la simple offre de services de proximité. La «clé de la réussite», il la présente dans les dernières pages de la présentation. Écho des valeurs «judéo-chrétiennes» qu'il a évoquées dans son discours de démission, le 5 novembre, il la résume ainsi: en stimulant le changement et en innovant, on peut créer de la richesse et mieux la partager.