Il a fallu huit ans pour que l'ex-maire Gérald Tremblay apprenne l'existence d'un rapport révélant que Montréal payait ses travaux d'infrastructures jusqu'à 40% trop cher. Quand il l'a su, le mois dernier, il s'est montré «surpris et fâché», a révélé le directeur général de la Ville, Guy Hébert, hier lors d'une présentation technique.

Après des semaines d'hésitation, la Ville de Montréal a divulgué en matinée une demi-douzaine de rapports, réalisés entre 2004 et 2012, qui tentent d'expliquer la hausse croissante des coûts des travaux à Montréal. Ces rapports ne seraient jamais parvenus aux élus, a dénoncé en après-midi le vice-président du comité exécutif, Richard Deschamps.

«Comment se fait-il que dans l'appareil administratif, à partir de 2004, une série de rapports soient demeurés lettre morte, sans que cela chemine vers le haut? Nous désirons obtenir des réponses là-dessus», a-t-il déclaré. Si les élus de l'époque savaient que les coûts des contrats avaient explosé, ils n'ont jamais été avisés de l'existence de ces rapports, a soutenu un membre du comité exécutif, Alan DeSousa. M. Deschamps, qui a été choisi par Union Montréal comme successeur à Gérald Tremblay, a assuré qu'il n'a jamais tenté de cacher ces rapports comme le suggère son adversaire défait, Michael Applebaum.

«L'intention prêtée au comité exécutif est très loin de la réalité. Nous pensons qu'il y a manipulation des faits. Les membres du comité n'ont jamais voulu retarder, camoufler ou modifier ces rapports.»

L'hôtel de ville de Montréal vit «une période de crise alimentée par différentes personnes dont nous ne connaissons pas l'agenda», a conclu mystérieusement M. Deschamps.

Marché «très fermé»

Dès 2004, un rapport qualifié de «théorique» par les fonctionnaires a établi que la métropole payait de 30 à 40% de plus que les autres villes québécoises. M. Hébert soutient que ce rapport a été remis au directeur général de l'époque, Robert Abdallah, et au président du comité exécutif, Frank Zampino.

Essentiellement administratif, le fameux rapport, qui compte 32 pages, établit clairement que Montréal pourrait payer de «30 à 40%» de moins, si on pouvait susciter plus de concurrence entre les entrepreneurs.

«À Montréal même, le marché ne serait pas très ouvert et, en certains cas, serait même très fermé», notent les auteurs.

Nulle part, cependant, on n'évoque la possibilité de collusion ou de corruption des fonctionnaires.

Ce n'est qu'en 2006 qu'un rapport de vérification interne mentionne la collusion, essentiellement pour déplorer l'absence de mécanismes pour la prévenir. On note aussi la faiblesse des estimations de la Ville, souvent plus basses que celles des firmes externes.

En 2010, un rapport commandé au Groupe CGT a par ailleurs donné des indications plus concrètes. On y apprend que «la distorsion du marché montréalais» - notamment le manque de concurrence - pouvait expliquer jusqu'à 22,5% des hausses de coûts. La situation même de la métropole, avec sa densité de population et les surprises fréquentes, pouvait gonfler les coûts de 32%.