Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre un acteur de l'actualité et lui pose 10 questions liées à la couverture dont il a été l'objet. La 11e question vient du public. Cette semaine, notre journaliste a rencontré Marc Parent, chef du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

1 Est-ce que vous avez été informé du comportement de l'agente 728 avant la diffusion du reportage à la télévision?

Non. Nous avons été informés en début d'après-midi qu'il y aurait un reportage, mais on n'en connaissait pas le contenu. Je l'ai découvert en même temps que tout le monde à 17h, en regardant la télévision.

2 Quelle a été votre première impression lorsque vous avez vu les images et entendu les propos de la policière?

Choqué et consterné. Déçu aussi, parce que ça vient ternir le travail de l'ensemble des policiers qui essaient de bâtir une relation de confiance avec les citoyens. La majorité de nos policiers travaille bien, alors c'est sûr que des propos inacceptables et une intervention discutable, ça nous choque.

3 Avec ce qu'on sait aujourd'hui à propos de l'agente 728, pouvez-vous affirmer qu'elle était en mesure de patrouiller et de porter une arme?

À la suite des événements du printemps, on avait pris des dispositions pour avoir un meilleur encadrement et on l'avait retirée de toute situation potentiellement à risque comme les manifestations, les événements populaires, etc., parce qu'elle aurait été plus à risque d'être provoquée ou de se faire insulter. Mais il n'y avait pas d'autres indicateurs qui pouvaient nous laisser croire qu'elle aurait un comportement excessif, colérique ou complètement déplacé. Quant au port d'arme, il n'a pas été question de l'utilisation de son arme dans l'événement, alors il faut faire attention quand on projette la dangerosité de cette personne-là.

4 Comment expliquer qu'avec tous les événements à son dossier, année après année, et ce, depuis 1996, on ait réintégré l'agente à la patrouille chaque fois?

Je ne connais pas sa feuille de route en détail, mais c'est clair que lorsqu'on a des policiers ou des policières qui ont un comportement discutable, on essaie d'avoir un suivi, un meilleur encadrement. Mais on peut avoir des situations où on ne les détecte pas comme on le voudrait et c'est pour cette raison que jeudi, j'ai questionné nos mécanismes de détection afin de voir rapidement comment on peut apporter les correctifs nécessaires et être en mesure d'exiger des personnes à risque qu'elles changent leur comportement pour répondre à nos normes.

5 L'impression qui nous reste, c'est que l'agente matricule 728 aurait pu sévir encore longtemps si personne ne l'avait filmée. Qu'en pensez-vous?

Pas nécessairement. Je pense qu'on a été dans une situation où le hasard, ou la chance d'une certaine façon l'a révélée au grand jour. Les propos qu'elle a tenus ont été dits en privé, mais le fait qu'ils aient été exposés au grand jour nous a permis de comprendre encore mieux comment cette personne pensait, les préjugés qu'elle entretenait à l'endroit de plusieurs citoyens. On en apprendra plus avec l'enquête.

6 Est-ce qu'il y a des mécanismes en place au sein du service de police pour permettre aux policiers de dénoncer les comportements de leurs collègues sans risquer des représailles?

Cela fait partie des défis des grandes organisations. Quand on parle de whistleblowers ou de dénonciation, cela demande un certain courage, mais il faut surtout amener la culture de l'organisation à ne pas accepter ouvertement un tel comportement. Ça commence par un policier qui pourrait sensibiliser un collègue en lui disant: Tu devrais peut-être réfléchir à ton attitude. Et ça n'a pas besoin d'être une situation aussi extrême que celle qu'on a vue cette semaine. Ensuite, il faut que la direction prenne position afin que les employés sentent qu'ils ont son soutien. Dans une grande organisation comme la police, c'est constamment à travailler. La décision que j'ai rendue jeudi, c'était une façon de transmettre mes attentes aux 4700 policiers de mon service.

7 Les bandes vidéo et audio circulent depuis trois jours sur les réseaux sociaux. En quelques minutes, le comportement de l'agente 728 a lourdement hypothéqué vos efforts de relations publiques. Comment comptez-vous réparer cela?

Depuis le début de l'année, on a fait face à des milliers de situations au fil des manifestations et du conflit social qu'on a vécus. On a vu des images en boucle de différentes situations, des images d'une police répressive. Cela fait partie du défi actuel qui est de maintenir un niveau de confiance avec la population. Cet événement ternit l'image de l'ensemble des employés du SPVM qui font un travail très professionnel et qui se dévouent. Il ne faut pas généraliser l'ensemble des interventions sur la base de cet événement.

8 Les propos de l'agente 728 confortent l'idée répandue pendant la crise étudiante selon laquelle les policiers ont des préjugés négatifs à l'endroit des jeunes et ciblent les carrés rouges. Qu'allez-vous faire pour convaincre les jeunes du contraire?

On est déjà présents auprès des jeunes dans plusieurs projets de quartier, mais c'est clair qu'on doit poursuivre et accentuer nos efforts, démystifier les défis associés à notre gestion du conflit social et briser la perception de profilage politique lié au carré rouge, car elle n'est pas acceptée chez nous. On a une politique qui bannit ce genre de comportement.

9 Dans les circonstances, est-ce que les quatre personnes arrêtées par l'agente seront tout de même accusées d'entrave au travail des policiers, d'assaut et d'intimidation?

Cela fait partie des vérifications qu'on est en train de faire dans l'enquête interne. Chaque témoin sera rencontré.

10 Cette semaine, le président de la Fraternité des policiers a déclaré que le maire de Montréal n'avait plus la confiance des policiers. Qu'en pensez-vous?

Ce qui est important pour moi, c'est d'avoir pleine autonomie et indépendance, et elles n'ont jamais été remises en question avec le maire et le comité exécutif. En aucun moment le maire ne s'est immiscé dans mes activités policières.

TWITTER "1 Gabrielle Ladouceur-Despins (@gabrielleld sur Twitter)

Quelle est la réponse appropriée quand des policiers assènent des coups de matraque à nos proches?

Quand il y a une intervention policière, ce n'est jamais une bonne idée d'entraver le travail des policiers. Il y aura toujours des recours possibles si quelqu'un déplore une intervention: il y a des instances de surveillance, la déontologie policière, les affaires internes et même le commandant du poste de quartier concerné. Plus les gens sont calmes autour, mieux c'est. Pour la personne qui se fait contrôler, il est toujours préférable d'obtempérer de façon calme et contrôlée et, par la suite, si on n'est pas en accord avec l'intervention, il y a des recours. On ne règle pas la violence par la violence. Assurément pas.