Impliqué dans plusieurs entreprises privées à l'époque où il dirigeait le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), Arthur Porter a utilisé les ressources du réseau de la santé pour des transactions d'affaires qui mettaient en jeu des sommes d'argent importantes pour sa famille et pour lui, a appris La Presse.

Cette situation est connue de plusieurs personnes au centre hospitalier. L'établissement refuse toutefois d'en discuter publiquement. «Selon la politique du CUSM, pour donner de l'information nominative sur un de nos employés, il faut son consentement», a expliqué Richard Fahey, porte-parole du centre.

Le service des communications a même refusé de confirmer à La Presse que les personnes impliquées travaillent bien au CUSM. Il a fallu se tourner vers la téléphoniste de l'établissement pour obtenir des réponses.

Un acte notarié consulté par La Presse précise que, le 24 novembre 2011, alors que le Dr Porter était toujours à la tête du CUSM, un avocat de l'établissement lui a fourni un mandat qui permettait à son adjointe, Lynn Panneton, de procéder à des transactions immobilières pour son compte et celui de sa femme.

Lynn Panneton figure toujours sur la liste des employés de l'établissement, mais ses collègues ont indiqué qu'elle n'est pas au travail ces temps-ci.

Projet immobilier

Joint par courriel, Me Harris Poulis affirme que le mandat qu'il a fourni ne faisait pas partie de ses fonctions au CUSM mais que cela lui a pris très peu de temps.

«Les services privés étaient l'authentification de signatures sur certains documents. Puisque c'était simplement un exercice d'authentification, aucuns frais n'étaient requis, de la même façon que je ne facturerais pas pour l'authentification d'un passeport», dit-il.

Arthur Porter a quitté ses fonctions de directeur général en décembre 2011.

Peu après, Lynn Panneton, qui travaillait toujours comme assistante administrative à la direction générale du CUSM, a rencontré un notaire montréalais et un promoteur immobilier au nom du Dr Porter et de sa femme.

Le 18 janvier, elle a acheté en leur nom un appartement d'une valeur de 289 000$ à Mont-Royal, selon le registre foncier. Le Dr Porter en est toujours propriétaire, mais la ligne téléphonique est au nom de Mme Panneton. Celle-ci n'a pas rappelé La Presse.

À la fin du mois de mars 2012, Lynn Panneton a vendu pour 450 000$ une autre des propriétés du couple Porter au centre-ville de Montréal et a signé les documents de vente en leur nom.

Entreprise en Afrique

Ces transactions sont bien peu de chose en regard du grand coup financier auquel Arthur Porter a travaillé pendant son mandat au CUSM et qui l'a plongé dans le pétrin.

Il a reconnu avoir versé en 2010 la somme de 200 000$ à Ari Ben Menashe, lobbyiste et ex-marchand d'armes qui devait obtenir 120 millions d'investissements russes pour une entreprise de Porter en Sierra Leone. Le médecin a dû quitter son poste au Comité de surveillance des services secrets canadiens lorsque ses tractations financières ont été révélées par le National Post, l'an dernier.

Selon The Gazette, le conseil d'administration du CUSM s'est ensuite inquiété du fait que les entreprises privées du Dr Porter lui prenaient plus de temps que prévu.

Or, le directeur général d'un centre hospitalier doit normalement se consacrer exclusivement à la gestion de son établissement et, le cas échéant, à l'enseignement universitaire, selon la directrice générale de l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux, Lise Denis. «Peut-être qu'il peut y avoir des arrangements spéciaux dans certains cas. Mais la règle générale, c'est de conduire son établissement dans l'exclusivité de ses fonctions. Il y a de quoi s'occuper en masse sept jours par semaine.» Elle n'a pas voulu commenter le cas particulier du Dr Porter, mais elle a dit qu'elle ne connaissait aucun exemple de directeur général d'hôpital qui gérait des projets d'investissements en Afrique et plusieurs entreprises privées dans le monde (voir autre texte).

Surtout, elle ajoute que les employés des hôpitaux doivent consacrer leur temps de travail au réseau de la santé seulement: «Il est clair que toutes les ressources d'un hôpital doivent être mises au service de la population.»

Une employée personnelle

Or, joint par La Presse cette semaine, Ari Ben Menashe a été catégorique: Lynn Panneton a été impliquée directement dans les tentatives du Dr Porter d'obtenir des millions pour sa société africaine en 2010. Selon lui, l'assistante administrative était l'employée personnelle de M. Porter bien plus qu'une employée du centre hospitalier. «Elle était une employée de lui, elle était impliquée, elle le couvrait tout le temps. Je suis allé au bureau là-bas et je l'ai rencontrée quelques fois. Je ne passais pas par elle quand je voulais parler au Dr Porter, mais chaque fois que lui voulait quelque chose, c'est elle qui m'appelait.»