L'administration Tremblay a attribué hier pour 47 millions en contrats à cinq entreprises dont la probité est mise en doute par l'opposition, qui en demandait plutôt l'annulation.

L'annonce du prolongement d'un important égout sous le boulevard Maurice-Duplessis avait tout pour réjouir la mairesse de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles.

Chantal Rouleau et ses collègues de Vision Montréal ont voté contre ce contrat de 4,2 millions, même si le projet est attendu depuis un quart de siècle.

L'opposition officielle soupçonne fortement l'entreprise Construction G-Nesis, vainqueur de l'appel d'offres, d'avoir été créée pour contourner la loi qui empêche les firmes condamnées pour fraude fiscale d'obtenir des contrats publics (35). L'entreprise loge à la même adresse que Doncar Construction, dont la Régie du bâtiment a restreint la licence jusqu'en décembre 2013. Certains de leurs dirigeants respectifs affichent également la même adresse de résidence.

«Est-ce G-Nesis ou Doncar qui a une licence restreinte? a demandé la mairesse Chantal Rouleau. C'est la même famille d'administrateurs, à la même adresse. Ça nous crève le coeur parce qu'on le veut, ce projet, mais on doit dire non.»

L'administration Tremblay a néanmoins refusé d'annuler le contrat et indiqué que les vérifications de la Ville n'avaient pas permis d'établir de lien entre les deux entreprises. «Nous pensons qu'il faut aller de l'avant. Puisqu'on a posé la question sur le plan moral, je terminerais en disant qu'il est également moral d'offrir un service auquel les contribuables ont droit», a affirmé Richard Deschamps, responsable des infrastructures et des grands projets au comité exécutif.

»Immoral»

Cette réponse a grandement déçu Chantal Rouleau. «Éthiquement, moralement, est-il raisonnable qu'on donne des millions en contrats à des entrepreneurs qui commettent des fautes graves, qui contournent la loi? C'est immoral de leur donner des contrats, de nous maintenir dans ce bourbier.»

Le scénario s'est répété pour 11 autres contrats accordés lundi et hier à 4 firmes sur lesquelles l'opposition entretient des doutes. Vision Montréal et Projet Montréal espéraient que l'administration Tremblay résilie ces contrats, comme ce fut le cas pour les quatre contrats annulés la semaine dernière.

Dix contrats pour Louisbourg

À elle seule, hier, Louisbourg SBC a ainsi décroché 10 contrats et obtenu le paiement d'un extra pour un mandat en cours. Cette entreprise est liée à la famille de Tony Accurso, dont la firme Simard-Beaudry a été reconnue coupable de fraude. L'entrepreneur a lui-même été arrêté à deux reprises au cours des derniers mois et est accusé de fraude.

Vision Montréal entretient également des doutes sur l'entreprise Pavage CSF. Celle-ci, logeant dans les mêmes locaux qu'une entreprise des frères Arcuri, a été victime d'un incendie criminel la semaine dernière. Selon le livre Mafia inc., Domenico Arcuri est un acteur important dans la réorganisation de la mafia.

Projet Montréal a de son côté soulevé des doutes sur un contrat de 3,3 millions accordé à Terramex aménagement urbain. Cette entreprise a été fondée après l'interdiction de contrats publics imposée à Terramex, reconnue coupable de fraude fiscale.

Projet Montréal a également dénoncé un contrat accordé à Les Grands Travaux Soter. Cette entreprise a brièvement figuré sur la liste noire de la Régie du bâtiment, mais a retrouvé le droit de décrocher des contrats publics après avoir modifié la liste de ses dirigeants. La manoeuvre de l'entreprise est d'ailleurs citée en exemple par un cabinet d'avocats pour illustrer comment la loi 35 peut être contournée.

Louisbourg SBC: 32,1 millions (10 " 1 extra)

> Soter : 6,4 millions (1)

> G-Nesis : 4,2 millions (1)

> Terramex aménagement urbain : 3,3 millions (1)

> Pavage CSF: 1,2 million (1)

> Total : 47,2 millions

Source : Ville de Montréal

*Nombre de contrats entre parenthèses