Montréal devrait obliger les entreprises privées et les organismes qu'elle finance à s'ouvrir aux minorités, estime la chef de l'opposition, Louise Harel.

Selon une étude récente, à qualifications égales, un Québécois de souche a 60% plus de chances d'être invité à une entrevue d'embauche qu'un membre d'une minorité visible ou ethnique, a rappelé la chef de Vision Montréal en point de presse ce matin. Cette analyse de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) est passée relativement inaperçue en mai dernier, s'est-elle insurgée.

«Il faut secouer la résignation de l'opinion publique face à ce constat troublant. Montréal doit donner l'exemple. À qualification égale, il doit y avoir égalité d'accès à l'emploi.»

Mauvaise intégration

La solution, selon Mme Harel : élargir la portée de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi, qui ne s'applique qu'aux organismes publics de plus de 100 employés. Cette loi devrait dorénavant toucher les entreprises privées qui obtiennent des contrats de la Ville, ainsi qu'aux organismes sans but lucratif qui reçoivent des subventions. La barre serait également descendue à 50 employés.

«Il faut arrêter de garder le silence sur la situation actuelle, estime Anie Samson, mairesse de l'arrondissement de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension et porte-parole de Vision Montréal en matière de diversité. Si on s'appelle Traoré, Ben Salem ou Nabil, les difficultés sont plus grandes. Quand les parents ne travaillent pas, on parle de pauvreté et de mauvaise intégration.»

Même à la deuxième génération

L'étude de la CDPDJ a consisté en l'envoi de plus d'un millier de curriculum vitae en réponse à 581 offres d'emploi. Chaque fois, on envoyait deux c.v. relativement semblables quant aux qualifications, mais avec un nom québécois francophone et un nom à consonance africaine, arabe ou latino-américaine. Une fois sur trois, le candidat au nom étranger était exclu. «Même la deuxième génération, née et scolarisée ici, subit la même discrimination», note Mme Harel.

«C'est très alarmant, estime Monsef Derraji, président du parti Vision Montréal. Une telle étude fait honte au Québec. En Europe, les choses se sont dégradées parce qu'on n'a pas agi à temps.»

La Loi sur l'accès à l'égalité force les organismes publics à mettre sur pied des programmes pour augmenter la présence de minorités au sein de son personnel. La Ville de Montréal, qui y est assujettie, ne compte que 13,5% d'employés issus de minorités visibles ou ethniques, a rappelé Mme Harel. Elle espère que l'implantation d'un guichet unique d'embauche pour les 19 arrondissements et la ville centre permettra de redresser graduellement la situation en ayant «une vue d'ensemble rapide».

Majorité requise

Le 20 août prochain, lors du conseil municipal, Vision Montréal présentera une motion afin d'élargir sa portée, un peu sur le modèle de la loi 101 ou de la Loi sur l'équité salariale.

Le parti de l'opposition officielle ignore si sa motion recevra l'appui de la majorité, contrôlée au conseil par le parti du maire Gérald Tremblay, Union Montréal. «Nous le souhaitons, a déclaré Mme Harel. Il nous est arrivé dans les six derniers moins d'inspirer l'administration municipale, et de voter une motion à l'unanimité.»

L'administration Tremblay devrait réagir cet après-midi.