La crainte des turbulences du mouvement étudiant et d'autres groupes militants assombrit les préparatifs du Grand Prix de Montréal. Les hôtels ne sont pas encore pleins et on triplera le nombre d'agents de sécurité dans certaines artères reliées au grand cirque de Bernie Ecclestone.

«Cette année, nous ne sommes pas encore pleins, comme bien des hôtels à Montréal. Habituellement, nous affichons complet bien avant ça! Trente chambres ne sont pas louées», affirme Mélanie Simard, adjointe au directeur général de l'hôtel InterContinental.

Quelques appels de La Presse ont permis de constater qu'on solde même des chambres d'hôtel.«J'ai des chambres à 159,99$. C'est une promotion pour le Grand Prix. D'habitude, ces chambres sont 230 dollars. Mais comme il en reste, elles sont en promotion», a expliqué un employé du Crowne Plaza. Au Hyatt, on s'est fait offrir un rabais de 80$.

Les revenus de location ont diminué de 10,68% en mai par rapport à l'an dernier, une baisse de revenus de 5,8 millions de dollars, selon des chiffres de l'Association des hôtels du Grand Montréal révélés hier lors de l'assemblée générale de Tourisme Montréal

Et le Grand Prix ne causera pas d'embellie, croit le président-directeur général de l'organisme, Charles Lapointe, qui prévoit une diminution de 10 à 12% en juin, en raison, notamment, de la baisse du nombre de billets vendus pour le Grand Prix.

«Que ce soit une révolution sociale alors que 15% seulement des étudiants ont l'air de nous mener par le bout du nez, je trouve ça outrageant!», a déclaré M. Lapointe, visiblement exténué et au bord des larmes, au cours d'un discours. «On est un peu découragés, a-t-il ajouté quelques minutes plus tard, en entrevue avec La Presse. Toutes les stratégies qu'on avait mises en place (avant le conflit) laissaient entrevoir une bonne saison.»

Mais le conflit étudiant peut-il expliquer à lui seul ce recul?

«Je ne vois pas beaucoup d'autres raisons pour que les gens se disent qu'ils n'iront pas au Grand Prix, répond-il. C'est localement qu'il y a une crainte.»

«La crainte des manifestations a entraîné quelques annulations, mais il y a aussi le contexte économique, explique Tanguy Legrand, directeur des opérations au Sofitel. Les gens dépensent moins. Ils réservent de plus courts séjours.» Les restaurateurs des rues les plus animées lors de l'événement se disent confiants, malgré les manifestations annoncées en termes plutôt hostiles par la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) qui s'ajoutent aux actions à prévoir du côté des étudiants.

«Nous triplons le nombre d'agents de sécurité dans la rue, autour des hôtels, pour protéger les voitures qui seront sur place», explique Alain Creton, propriétaire du restaurant Alexandre, rue Peel, devant lequel se tiendront des événements rassemblant des Ferrari, Bugatti et autres Porsche.

«Près de 98% des manifestants sont pacifiques et ils font très bien ça depuis quelque temps. Mais les gens viennent déjà moins sur la rue. Les banlieusards restent chez eux et ce sera long avant qu'ils reviennent. Pour le Grand Prix, les gens de Toronto surtout nous appellent et sont inquiets, car ils voient ça à la télé. Mais les manifestations passent dans la rue pendant 10 minutes, et tout est beau après. Et s'il y a des manifestations qui dégénèrent, ce n'est pas le patron de Bombardier qu'elles dérangeront, mais des petits commerçants qui travaillent 15 heures par jour pour vendre des shish-taouks», déplore Steve Siozos, de l'Association des marchands de la rue Crescent et propriétaire du Stogies&London Pub.

Alain Creton n'a pas peur. «Ce serait contre-productif pour les étudiants, des manifestations avec de la casse. On parle d'eux partout. Ils ont déjà gagné sur ce terrain. On joue de la casserole à Paris, New York, Vancouver! Qu'est-ce qu'ils veulent de plus? Ce n'est pas le Grand Prix de Charest, mais de tout le monde, en particulier des nombreux étudiants qui travaillent en marge de cet événement», conclut-il.