Qui l'eût cru? Le premier pont à péage au Québec depuis les années 90 est un grand succès commercial. Un an après son ouverture, le 21 mai 2011, le pont de l'autoroute 25, entre Laval et Montréal, enregistre plus de 1 million de passages par mois et rapporte tellement d'argent que le gouvernement du Québec en empochera une partie dès cette année. Ce succès ne fait toutefois pas que des heureux. Des dizaines de milliers d'automobilistes pourraient réclamer le remboursement des frais administratifs de 5$ qui leur sont facturés à chaque passage. Les Québécois étaient-ils prêts à «réapprivoiser» le péage routier?

> En graphique: fréquentation du pont de l'A25

En début d'après-midi, vendredi dernier, le grand pont haubané long de 1 km qui franchit la rivière des Prairies est presque désert. Il fait beau et chaud à la veille du long week-end de la fête des Patriotes. Dans son bureau, au pied du pont, du côté de Laval, Daniel Toutant, président de Concession A25, la firme privée qui exploite le pont de l'autoroute 25, sait déjà que les affaires seront bonnes en fin de journée. Un nouveau record est possible.

Le dernier, explique-t-il à La Presse, a été enregistré la veille, 17 mai: 40 894 automobilistes ont passé le pont. Pas de quoi en faire un bouchon de circulation, bien sûr. Il n'y a jamais de congestion sur le pont de l'A25. Et c'est pour cela que, le vendredi, on fait toujours des affaires d'or.

«Surtout quand il fait beau, dit M. Toutant. Les gens valorisent leur temps et veulent en profiter. C'est ce qu'on offre à nos clients: du temps.»

Et les usagers en redemandent. Dans sa première année d'exploitation, qui s'est terminée hier, Concession A25 aura enregistré plus de 10 millions de passages. C'est un peu plus que les prévisions, selon M. Toutant.

Une autre donnée réjouit encore plus l'entreprise et reflète avec éloquence à quel point la population a adopté le pont: 85% de ses usagers sont maintenant abonnés au système électronique de péage. Ils paient leur passage à partir d'un compte renfloué automatiquement à même leur carte de crédit.

Les frais de perception de la société sont minimes, et les abonnés sont exemptés des «frais administratifs» de 5$ par passage qui sont facturés chaque jour à des milliers de «non-abonnés», par la poste.





Critiques et poursuites

Ces frais ont soulevé une énorme vague de mécontentement et de critiques dans les premiers mois d'exploitation du pont et continuent de susciter des interrogations.

En septembre prochain, la Cour supérieure devra décider si elle autorise un recours collectif qui pourrait s'élever à plusieurs millions de dollars en remboursements et pénalités (voir textes ci-dessous).

De plus, l'Office de protection du consommateur (OPC) soulève toujours des doutes quant à la conformité de la signalisation routière, qui annonce les tarifs de péage mais non ces frais administratifs, qui font tripler le coût du passage.

Depuis un an, affirme Jean-Jacques Préaux, porte-parole de l'OPC, «il n'y a pas eu de développement majeur dans les discussions entre l'Office, le ministère des Transports et la firme privée qui exploite le pont quant à l'affichage des prix pour l'utilisation de ce tronçon de route.»

«Notre position est toujours la même, ajoute-t-il. Concession A25 est une entreprise commerciale qui devrait normalement respecter les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur sur l'affichage des prix des biens et services. La loi dit clairement que tous les frais, sauf les taxes de vente, doivent être inclus dans les prix affichés», ce qui n'est pas le cas des panneaux lumineux installés sur tous les accès de l'A25, qui annoncent les tarifs, sans les frais.

Ni des enseignes ajoutées l'été dernier, qui annoncent les frais... sans indiquer les tarifs.

Photo Olivier Pontbriand, La Presse

L'Office de protection du consommateur (OPC) soulève toujours des doutes quant à la conformité de la signalisation routière, qui annonce les tarifs de péage mais non ces frais administratifs, qui font tripler le coût du passage.