Même s'ils le souhaitaient, Gérald Tremblay ou Régis Labeaume ne pourraient suivre les traces du maire de Toronto; ils ne disposent pas du droit de lock-out.

Ils s'apprêtent cependant à mener un combat tout aussi âpre sur les régimes de retraite, pour lequel ils pourraient demander une loi spéciale au gouvernement du Québec.

À la Ville de Montréal, on assure que les discussions sur cet épineux dossier vont «très bien», même s'il ne s'agit pas encore de négociations formelles. La convention collective des quelque 5500 cols bleus, signée dans l'enthousiasme en octobre 2010 après 16 ans d'affrontements, sera échue à la fin de l'année.

«Laissez Toronto travailler de leur côté, laissez-les faire ce qu'ils veulent, nous, on n'a rien à apprendre de Toronto, dit Michael Applebaum, président du comité exécutif. On n'a jamais eu des relations aussi bonnes que celles qu'on a actuellement.»

Montréal n'a pas eu à gérer des hausses salariales aussi lourdes que la métropole ontarienne, indique le numéro deux de la Ville. Depuis 2000, on a accordé des augmentations de 24% aux cols bleus montréalais, contre 41% pour leurs collègues torontois.

Règlements nocifs

Les régimes de retraite sont toutefois devenus un boulet pour les finances municipales; Montréal y engouffrera plus de 609 millions cette année, sur un budget de 4,7 milliards. «Nos syndicats comprennent l'importance de respecter la capacité de payer de nos contribuables, affirme M. Applebaum. J'espère qu'on va être capables de trouver des solutions ensemble, sinon on va demander l'aide du gouvernement, avec une loi spéciale.»

L'administration Tremblay est toutefois consciente de l'impact nocif des règlements imposés, comme celui que les cols bleus ont subi en 2004. «Ce n'est pas souhaitable, c'est clair, dit le président du comité exécutif. On a eu certaines époques où ç'a été difficile avec les syndicats. On n'est pas dans ce climat actuellement. On a des ententes, on n'est pas dans la même situation que Rob Ford.»

Selon Michel Grant, spécialiste en relations industrielles, il y a effectivement plusieurs différences fondamentales entre le Québec et l'Ontario. Le droit au lock-out et le recours aux briseurs de grève, dont disposent les municipalités ontariennes, font notamment basculer le rapport de force au détriment des syndicats.

Mais le gros morceau, qui a apporté une certaine paix dans le secteur public québécois, c'est la Loi des services essentiels adoptée en 1982, estime-t-il. «Une grève comme celle qu'a connue Toronto en 2009, alors que les déchets s'accumulaient dans les rues, serait inconcevable à Montréal. La loi de 1982 a mis fin aux grèves générales illimitées. On a réalisé au Québec un meilleur équilibre entre le droit à la négociation et à la grève, d'une part, et le droit du public à la santé et à la sécurité.»

Et le contexte politique québécois est différent, croit le professeur à la retraite.

Les possibilités que la recette torontoise soit utilisée au Québec sont «plutôt minces», croit de son côté Alain Barré, professeur en droit du travail à l'Université Laval. «Mais ça va créer des envieux. Ça fait longtemps que les municipalités québécoises demandent le droit au lock-out. Ça risque de relancer le débat.»