Les jours de Joël Gauthier à la tête de l'Agence métropolitaine de transport (AMT) sont comptés. Le gouvernement Charest a choisi son successeur, et la nomination sera chose faite au début du mois de février, voire dès la semaine prochaine.

Par ailleurs, Québec compte élargir passablement le mandat de l'AMT pour confirmer son rôle de coordination en matière de transports collectifs dans la grande région de Montréal.

Selon ce que La Presse a pu apprendre de plusieurs sources, Yves Devin, directeur général de la Société de transport de Montréal, est très sérieusement pressenti pour prendre la place de M. Gauthier. Les relations de M. Devin avec Michel Labrecque, président du conseil de la STM, sont tendues depuis longtemps. M. Devin a terminé son mandat de cinq ans l'an dernier et n'a pas caché son désir de changer d'employeur.

Québec compte déposer au printemps à l'Assemblée nationale un projet de loi pour conférer plus de pouvoir à l'AMT. L'agence doit coordonner 14 organismes de transports en commun et les interventions de 83 municipalités. «Tout le monde a des plans de transports qui s'empilent, personne n'arbitre», a expliqué une source informée des intentions du gouvernement. L'AMT aura davantage de pouvoir pour coordonner tous ces projets et s'assurer que les liaisons se font en douceur d'un territoire à l'autre.

M. Gauthier, dont le mandat était terminé depuis l'automne dernier, passera au secteur privé. Une annonce sur son parcours devrait tomber aujourd'hui. Directeur général du Parti libéral au moment de l'arrivée au pouvoir de Jean Charest, sa nomination rapide à la tête de l'AMT avait soulevé de vives critiques dans l'opposition.

Dans une entrevue publiée hier par La Presse, la présidente du Conseil du Trésor, Michelle Courchesne, a carrément exécuté cet allié politique en retirant sans ménagement à l'AMT la responsabilité du chantier du train de l'Est. Québec, a-t-elle dit, est «très insatisfait» du travail de l'AMT dans ce dossier. En cinq ans, les coûts estimés de ce chantier sont passés de 300 à plus de 715 millions. En réduisant son ampleur - par exemple en éliminant la gare prévue à Charlemagne -, Québec compte réduire la note à 671 millions.

À Québec, les rumeurs des frictions entre M. Gauthier et la ministre Courchesne courent depuis des semaines. Infrastructures Québec, l'organisme responsable des grands travaux publics, avait été appelé à la rescousse pour arbitrer le litige avec le Trésor et encadrer le travail de l'AMT.

Dans les coulisses, on indique que Gauthier est entré en collision avec plusieurs ministres des Transports, notamment Michel Després et Julie Boulet, ses ministres de tutelle, une situation toujours explosive. Plus récemment, il s'est colleté avec Mme Courchesne, «qui a eu sa tête», résume-t-on dans les officines libérales.

Depuis longtemps, on n'appréciait guère son style de gestion, qui générait bien des frictions avec les municipalités et les ministères provinciaux. À Québec, on n'avait pas aimé que l'AMT mette de la pression sur le budget de Raymond Bachand avec des promesses de liaison dans l'Ouest-de-l'Île. L'AMT insistait aussi lourdement pour que la gare d'un éventuel lien ferroviaire avec l'aéroport Montréal-Trudeau soit aménagée au Centre Bell, un projet de Cadillac-Fairview.

Dès la nomination de M. Gauthier, en 2003, Mario Dumont, alors chef de l'ADQ, avait vertement critiqué le choix du gouvernement. Au surplus, pour nommer Gauthier, Jean Charest avait délogé Florence Junca-Adenot de la direction de l'AMT, une spécialiste des transports à la réputation internationale.

Hier, Sylvie Roy, députée adéquiste, continuait sur cette lancée de 2003. Dans un communiqué, elle a soutenu que cette nomination «est un autre exemple de mauvaise gestion des fonds publics». Le gouvernement doit, selon elle, «faire un examen de conscience» et revoir ces nominations partisanes. «Plutôt que de retirer des responsabilités à l'AMT, Mme Courchesne devrait nommer une personne compétente pour diriger l'agence», soutient Mme Roy.