Le prolongement du métro de Montréal devrait être «le chantier prioritaire», une «priorité incontournable» de la prochaine décennie, estime la Communauté métropolitaine de Montréal. La CMM adoptera à sa réunion de demain une résolution pour procéder à des travaux de 6,5 milliards de dollars qui nécessiteront une hausse supplémentaire de la taxe sur l'essence de 5 cents le litre.

Obtenu par La Presse, le document préparé en décembre dernier inquiète toutefois tout le secteur des transports en commun. À la Société de transport de Montréal, à l'Agence métropolitaine de transport et à l'Association québécoise du transport intermunicipal et municipal (AQTIM), on observe que, probablement pour acheter la paix, la CMM n'a pas voulu donner priorité à un segment du métro en particulier, histoire de ne pas déplaire à Montréal, à Laval ou à Longueuil.

Au surplus, les municipalités plus petites de la CMM sont outrées parce que le document ne fait qu'insister sur le métro; il reste silencieux sur les réseaux d'autobus et, surtout, sur la mise en place de voies réservées.

Selon Pierre Bélanger, le président-directeur général de l'AQTIM (qui a remplacé les Conseils intermunicipaux de transport collectif), le document de la CMM est manifestement «métrocentriste» et passe curieusement sous silence d'autres volets importants des transports en commun, comme l'implantation des voies réservées.

«Pour notre organisation, les voies réservées sont un dossier aussi important que le métro ou le train de banlieue», observe-t-il. Le document parle de «rabattement» vers le métro, mais on devrait aussi ramener les passagers vers le train de banlieue et l'autobus. «On reconnaît facilement que le métro est important, majeur, mais il y a d'autres projets à considérer qui représentent des investissements moindres», souligne M. Bélanger.

L'actuel réseau souterrain rejoint 800 000 personnes, et l'on trouve 650 000 emplois dans le territoire qu'il couvre. En agrandissant le réseau, on augmente de 27% le nombre de personnes rejointes et de 17% le nombre d'emplois desservis.

Pas de priorité

Les municipalités membres de la CMM «ont convenu de transmettre dès maintenant au gouvernement la priorité incontournable du territoire» pour que Montréal soit «une des meilleures métropoles durables» d'Amérique du Nord. La priorité est «de prolonger le métro sur les territoires de Montréal, de Longueuil et de Laval» en ajoutant des mesures pour favoriser le «rabattement» vers le métro des usagers des autobus.

Ainsi, dans le document, le prolongement de la ligne bleue sur 6,2 km, qui coûtera 1 milliard de dollars, ne paraît pas plus urgent que celui de la ligne orange à Laval (9,2 km) et celui de la ligne jaune (9,1 km) à Longueuil. Pour la ligne bleue, on prévoit cinq stations supplémentaires jusqu'à Anjou. La ligne jaune, elle, devrait compter six stations, et le bouclage de la ligne orange vers la station Montmorency, à Laval, suppose deux stations de plus. «Qui trop embrasse mal étreint», résume une source de la STM. Devant la facture, le ministre des Transports, Sam Hamad, a déjà fait savoir qu'il était bien loin du compte en matière de financement.

Le document de la CMM prévoit que le métro aura besoin de 162 voitures additionnelles, une facture de 856 millions. Pour arriver aux 6,5 milliards, on ajoute une facture de 1 milliard pour les modifications prévisibles aux équipements et aux systèmes. La CMM propose la mise en place d'un «secrétariat conjoint» pour le suivi du projet. Or, une telle structure existe déjà à l'AMT. Ce risque de double structure irrite Laval, a-t-on appris.

Automobilistes

La CMM prévoit pour la réalisation de ce programme une augmentation d'un demi-cent par année de la taxe sur l'essence - cinq cents «à l'horizon 2020». Ces sommes devraient être versées dans un «fonds métropolitain» réservé au métro. D'ici au mois de mars, la CMM entend consulter les villes et les organismes sur ces objectifs «en vue du prochain énoncé budgétaire du gouvernement du Québec». Déjà, dans son dernier budget, la Ville de Montréal a créé une taxe de 45$ par année pour chaque véhicule immatriculé dans l'île. Les discussions avec la Société de l'assurance automobile en vue de l'application de cette mesure avancent à pas de tortue; pourtant, 18,5 millions de recettes sont d'ores et déjà inscrites dans le budget 2011 de la Ville de Montréal.

Pour réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, comme l'a promis le gouvernement Charest, il faut réduire de 54% la consommation de carburant sur les routes d'ici 20 ans. La pression sera énorme pour améliorer les transports collectifs, car le taux de pénétration des voitures électriques sera fort probablement insuffisant, prédit-on déjà.