Suzanne Schreiner loge chez son frère. Josiane Larose a trouvé un appartement à l'extérieur du quartier. Fatima Hafiz et ses deux enfants ont réintégré leur maison, mais leur toit prend l'eau et le contreplaqué posé sur leur fenêtre éclatée laisse entrer le froid.

« J'ai peur parce que l'hiver s'en vient et qu'il fait déjà froid la nuit dans la maison, dit-elle. Les compagnies de construction nous disent qu'elles sont débordées. »

Deux semaines après que leur quartier a été ravagé par une tornade, les sinistrés du secteur Mont-Bleu, à Gatineau, tentent de retrouver un semblant de vie au milieu des décombres, des maisons éventrées et du vrombissement des pelles mécaniques.

Pour Valentina Ortiz, ce sont « les cris et les pleurs des enfants paniqués » dans un appartement voisin du sien qui restent l'élément marquant de cette fin d'après-midi du 21 septembre, quand son quartier a été dévasté en moins de 10 minutes.

Cette semaine, Mme Ortiz et les membres de sa famille sont revenus chercher des vêtements dans leur appartement. Ils habitent chez des amis en attendant de trouver un nouveau logement. « Nous cherchons un appartement, mais les seuls qu'on voit sont beaucoup plus chers que le nôtre », dit-elle.

Selon la Croix-Rouge, 887 familles sinistrées sont en attente d'un logement. À l'heure actuelle, 29 personnes dorment au Centre communautaire Père-Arthur-Guertin, explique Pascal Mathieu, vice-président de la section Québec de la Croix-Rouge canadienne.

« Les autres sinistrés sont soit dans des motels, soit chez des parents ou amis », dit-il.

Jeudi, la Croix-Rouge a annoncé qu'elle distribuerait 2,3 millions de dollars en aide aux sinistrés. Ceux qui n'étaient pas assurés pourront recevoir une aide financière : 600 $ pour les familles de trois personnes ou moins et 800 $ pour les familles plus nombreuses.

Jonathan Ngoy n'avait pas d'assurance. Beaucoup de ses meubles et de ses vêtements ont été détruits. « J'ai payé une compagnie de déménagement, mais ils ont triplé leurs prix à cause de la demande, alors j'ai besoin d'argent actuellement pour acheter l'épicerie », explique le jeune travailleur.

AIDE SPONTANÉE

Pour Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau, la crise évoque celle de mai et juin 2017, quand la ville a connu les pires inondations de son histoire.

« Là, on a les tornades, que l'on n'avait jamais eues de notre histoire non plus », dit-il en entrevue dans son bureau qui donne sur le centre-ville.

Durant l'après-midi du 21 septembre, le système informatique d'urgence de la Ville a été activé à cause du risque élevé de tornades, et les cadres de la Ville étaient prêts à réagir. « Le coeur de notre équipe de coordination était de garde deux heures avant que ça frappe », dit-il.

À 17 h ce jour-là, le maire a pris sa voiture pour rentrer chez lui. En route, il a reçu un texto d'Isabelle Miron, conseillère du quartier Mont-Bleu, qui lui disait qu'elle venait de voir passer une tornade à côté de sa maison et qu'il y avait des débris partout.

M. Pedneaud-Jobin s'est rendu au Centre des mesures d'urgence pour faire un premier état de la situation, pour ensuite se diriger au cégep de l'Outaouais, où les sinistrés ont trouvé refuge.

« La Croix-Rouge a monté des lits, des étudiants en services préhospitaliers d'urgence sont rentrés, de leur propre initiative, pour aider les sinistrés. Les étudiants en techniques policières sont venus faire la sécurité. Ça, c'était en plus des services d'urgence. On a été chanceux : la pire blessure de la tornade a été une personne qui a eu le bras cassé. »

La Ville est désormais en train d'analyser les 500 à 600 logements endommagés qui devront possiblement être démolis.

« On sait déjà qu'on va avoir quelques centaines de personnes à reloger. On a une cellule qui ne fait que ça. Hier soir, il y avait 90 personnes à l'hôtel. Le défi, c'est de les placer à long terme dans un logement qu'elles sont capables de payer. »

- Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau

DEMANDES À QUÉBEC

François Roy, coordonnateur de l'organisme Logemen'occupe à Gatineau, note que parmi les sinistrés se trouvent beaucoup de familles de personnes immigrantes ou réfugiées.

« À Gatineau, le taux d'inoccupation des logements abordables est pratiquement de zéro. Les gens doivent se reloger dans des logements plus chers, et c'est pourquoi nous demandons au gouvernement du Québec de mettre en place un programme de supplément au loyer. »

Certaines familles touchées par les inondations de 2017 sont toujours en attente d'un logement permanent, dit-il. « On ne veut pas que ça s'étire sur des années. »

Dans le quartier Mont-Bleu, plusieurs sinistrés dont la maison a été détruite ou est devenue inhabitable veulent finir par revenir.

C'est le cas de Suzanne Schreiner, dont l'appartement sera bientôt démoli, et qui loge chez son frère pour les prochains mois. « Les propriétaires du bâtiment m'ont demandé si je voulais revenir une fois qu'il serait reconstruit. J'ai dit oui. J'adore mon quartier, j'adore les gens. Je veux revenir vivre ici. »

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Andy Ngabirano, qui habite dans le quartier Mont-Bleu, passe devant une habitation lourdement endommagée. Sa maison, elle, a été épargnée.