L'autoroute 20 Ouest est complètement fermée depuis hier matin près de Saint-Hyacinthe, en direction de Montréal, après que le ministère des Transports eut ordonné la fermeture immédiate d'un pont d'étagement pour des raisons de sécurité.

La fermeture de cet ouvrage datant de 1963 a été décidée plus d'un an après qu'une ingénieure a recommandé de le renforcer et de réaliser une « étude comportementale » de la structure sur laquelle elle avait constaté la présence de fissures en cisaillement.

Cette recommandation a été formulée à la suite d'une inspection générale du pont dans un rapport produit en juillet 2017.

Hier, une porte-parole de la direction territoriale de la Montérégie du ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports (MTMDET), Josée Séguin, a confirmé que c'est en donnant suite à cette recommandation, presque 15 mois plus tard, qu'on a décidé de fermer le pont sans délai, et ce, pour une période indéterminée.

Cette entrave imprévue sur une des principales autoroutes du Québec pourrait durer plusieurs jours, a reconnu Mme Séguin. Les experts du Ministère devront d'abord établir si le pont en béton peut être renforcé temporairement et remis en service de façon sécuritaire en attendant une réfection majeure ou son remplacement pur et simple.

Environ 25 000 véhicules, dont près de 5000 camions, empruntent chaque jour cette structure routière au-dessus du rang Saint-Édouard, dans la municipalité de Saint-Simon.

La circulation est temporairement détournée à partir de la sortie 145 de l'autoroute 20 Ouest sur des bretelles d'accès à la hauteur du rang Saint-Édouard. Hier, la circulation refoulait sur une distance pouvant aller jusqu'à six kilomètres, en après-midi, et les automobilistes perdaient entre 10 et 15 minutes pour contourner la zone entravée.

Des relents du pont de la Concorde

Le pont fermé d'urgence, au-dessus du rang Saint-Édouard, est un ouvrage en béton de 38 mètres de longueur dont la construction remonte à 1963. Avant d'être subitement fermé, hier, ce pont affichait un indice de condition générale (ICG) de 3 sur une échelle de 4. Cette cote signifie que l'ouvrage était considéré comme en état satisfaisant, même s'il avait besoin de réparations.

Le rapport d'inspection générale, effectuée en juillet 2017, relève toutefois plusieurs défauts importants. L'auteure du rapport, ingénieure au Ministère, signale ainsi la présence de fissures en cisaillement « importantes » allant jusqu'à 1,5 millimètre de largeur, en notant qu'il s'agit d'une structure comportant une dalle épaisse sans armature de cisaillement.

Au moment de sa construction, il y a 55 ans, il n'était pas requis de doter les dalles épaisses en béton d'une armature métallique pour intercepter les fissures en cisaillement.

Depuis l'effondrement du pont de la Concorde, qui a fait cinq morts à Laval en 2006, tous les ponts construits avec une dalle épaisse doivent toutefois être renforcés d'une telle armature afin de prévenir la progression des fissures à un endroit où il est impossible de les observer, soit à l'intérieur de la masse de béton.

Une commission d'enquête publique présidée par l'ex-premier ministre Pierre Marc Johnson, après l'effondrement du pont, avait clairement établi que l'impossibilité de détecter à l'oeil nu la présence d'une fissure en cisaillement dans la structure et l'absence d'une armature pour en freiner la progression étaient deux des principaux facteurs ayant empêché le Ministère de prévenir la rupture brutale et la chute de ce pont sur l'autoroute 19, le matin du 30 septembre 2006.

Des signes apparents

Dans les mois qui avaient suivi, des centaines de ponts du réseau routier supérieur du Québec comportant une dalle épaisse de béton avaient été inspectés, en toute urgence, afin de repérer tout indice d'une possible défaillance interne. Plusieurs dizaines de ces ouvrages avaient été fermés séance tenante, et des carottages avaient été effectués sur de nombreux autres ponts afin de vérifier l'état du béton jusqu'au coeur des structures.

Or, le rapport d'inspection de juillet 2017 relève plusieurs des mêmes éléments qui ont mené à la tragédie de 2006 : la présence d'une dalle épaisse en béton, l'absence d'une armature de cisaillement, des traces d'efflorescence (traînées blanches et salines) visibles sur la structure, ainsi que la présence de fissures en cisaillement « importantes » avec éclatement de béton constatées sur deux des travées du pont de l'autoroute 20.

La Presse a tenté hier de savoir pourquoi il a fallu presque 15 mois au MTMDET pour entreprendre une étude comportementale de cet ouvrage, malgré ces signes, et pourquoi la structure au-dessus du rang Saint-Édouard n'avait pas encore été renforcée, conformément à la recommandation de juillet 2017. En raison de l'heure tardive, ces questions sont restées sans réponse.

La porte-parole de la direction territoriale de la Montérégie, Josée Séguin, a toutefois indiqué en soirée, hier, que « les évaluations de la capacité [d'un pont] s'effectuent en plusieurs étapes et s'appuient sur des analyses approfondies et rigoureuses effectuées par les spécialistes en structures du Ministère ».

« Le Ministère, a-t-elle assuré, ne prend aucun risque lorsqu'il s'agit de sécurité. »